DVD

Editeur : Blaq out. Septembre 2007. 1H19. Format image 1.66 Version originale en français en Mono - Sous-titres anglais, portugais et français pour malentendants.

Suppléments :

  • A propos de Nathalie Granger : entretien croisé avec Geneviève Dufour, scripte du film, Benoit Jacquot, alors assistant-réalisateur, et Luc Moullet, producteur du film
  • L'écriture filmique de Marguerite Duras : entretien avec Madeleine Borgomano

 

Isabelle Granger a été convoquée à l'école. Sa fille Nathalie, huit ans, a des problèmes. Le vendredi midi, Isabelle explique à son mari, à son amie et voisine venue la voir avec sa fille Laurence et à Nathalie qu'il est certain que cette dernière ne sera pas reprise à l'école et qu'elle devra aller en pension dès le lundi suivant. Isabelle est angoissée, elle pense que sa fille, rejetée par l'école, ne peut être sauvée que par la musique. Isabelle et son amie passent l'après-midi ensemble. A la radio, on apprend que deux jeunes tueurs, sont réfugiés dans la forêt de Dreux proche de là. "Ils ont tué trois fois et ont mitraillé quatre personnes. En cas de découverte, les appréhender ; en cas de résistance, tirez à vu. C'est cette invitation qu'ont reçu ce matin les commissariats de la région parisienne" rapporte la radio...

Film construit par Marguerite Duras autour de sa maison de Neaufles, Nathalie Granger est un hommage à sa mère vu au travers les yeux de l'enfant qu'elle fut. Le film, la maison et l'enfant sont le réceptacle de toutes les violences du monde qu'ils ressentent fortement sans pouvoir rien y changer.

Si l'histoire racontée est celle du regard d'Isabelle et de son amie sur Nathalie, il semble bien qu'au contraire le film cherche à nous faire éprouver comment Nathalie, donc Marguerite Duras se souvenant de son enfance, voit sa mère et, d'une manière silencieuse et discrète, lui demande pardon. Une forme de pardon que tous les enfants pourraient adresser à leurs parents au nom de l'angoisse qu'ils génèrent chez eux.

L'impuissance de l'enfance

Le générique qui reprend des plans qui seront ensuite vu dans le film donne déjà l'impression que tout a déjà eu lieu et qu'il ne faut donc pas attendre une action avec une fin qui présenterait une solution et une évolution pour les personnages. On ne saura ainsi rien du devenir des deux jeunes tueurs de la forêt pas plus qu'on ne saura le sort de Nathalie que finalement sa mère refuse d'envoyer en pension le lundi ou du voyageur de commerce qui quitte la maison à la fin du film.

Le sentiment qu'il est impossible de changer le cours des choses quel que soit ce que l'on ressent pèse sur chacun des personnages. L'amie tente de faire quelque chose pour la femme de ménage portugaise mais conclut son appel téléphonique inutile non par une révolte ou une colère mais par un laconique: "Rien à faire, rien, merci.". "On n'y peut rien" sera également la conclusion du démarcheur constatant qu'il y a déjà une Vedette à tambour 008 dans la maison d'Isabelle Granger.

Le film se clôt sur le plan de Nathalie endormie dans le canapé sa mère enfuit du jardin et le démarcheur parti. Comme si l'enfance réceptacle du monde ne pouvait faire davantage que de subir.

 

Eduquer la violence

Impuissante à changer le monde mais sensible à toutes les violences. Sans doute est-ce là, la nature de l'enfance, sa terrible contradiction. Seule les autorités instituées peuvent s'en étonner. C'est la directrice d'école peut aussi fielleusement que mielleusement s'étonner "d'une telle violence chez une si petite fille". C'est aussi les journalistes qui s'étonnent de l'âge des deux jeunes tueurs des Yvelines.

Cette violence l'art peut probablement la canaliser. D'où l'importance de la musique. Comme le long plan sur les partitions le suggère, l'écriture de Bach intègre tout autant l'ordre, la régularité apparente des signes de la partition que l'intensité lyrique lorsque la partition est mise en musique.

Le film est constamment accompagné dans sa seconde partie de six ou sept notes de piano qui sont probablement des exercices de gammes de Nathalie. Mais même lors de la séance de musique avec la professeur, le son n'est pas synchrone. Les notes répétées valent pour elles-mêmes, comme le symbole du statut de l'enfance. L'enfance pourrait être cette attente dangereuse de l'intensité de la vie confinée dans l'attente du déchiffrement et des exercices mais aussi comme une promesse d'un avenir possible. Au seuil de la musique, Nathalie accepte d'assouplir ses doigts pour permettre, plus tard, la musique. Franchissement incertain : Nathalie accepte les contraintes de la professeur de piano mais refuse l'autorité de sa mère et, par défi, pourrait refuser les leçons dans la pension.

 

La maison comme métaphore de l'enfance

La maison, l'enfance n'est pas séparée de la violence du monde : entre le jardin paisible avec son feu de branches coupées et la forêt de Dreux où sont réfugiés les deux tueurs, il n'y a que quelques kilomètres et un léger brouillard. Les échos de la violence qui pourrait gagner Nathalie et la maison, c'est aussi le journal Le monde déchiré et brûlé, les contrastes du noir et blanc du dallage, des touches de couleurs alternées du piano, des signes de la partition sur les pages blanches, toutes ces aspirations contradictoires qui conduisent Nathalie à affirmer à son amie Laurence ou à la maîtresse qu'elle a envie d'être dans la misère ou d'être orpheline.

Film profondément angoissé, Nathalie Granger pourrait ainsi bien être une demande de pardon de Marguerite à sa mère pour l'angoisse qu'elle a suscité chez elle. Probablement aurait-elle aimé cette complicité insouciante que décrit la brève séquence du bateau sur l'eau ou l'amie et sa fille enlèvent les algues en plein soleil alors que Nathalie et Isabelle apparaissent successivement dans le cadre, inactives, rejetées dans l'ombre.

J.-L. L. le 01/10/2007

 

A propos de Nathalie Granger

Entretien croisé avec Geneviève Dufour, scripte du film, Benoit Jacquot, alors assistant-réalisateur, et Luc Moullet, producteur du film. Luc Moulet pensait pouvoir se renflouer après l'insuccès de son film Billy le kid. Le film est inspiré par la maison. Le livre viendra un an après le film. Duras connaît bien chaque pièce de sa maison de Naufles. Il a suffit pour Nathalie Granger de 15 jours de tournage avec la seule avance sur recette.

 

L'écriture filmique de Marguerite Duras

Dans le prologue on voit la maison avant de voir les personnages. "Une telle violence chez une si petite fille" fait écho à la voix off de la radio. La mère qui vit le drame de l'enfant est habillée de noir, l'amie porte une veste blanche cheveux blonds. Noir et blanc aussi du dallage des touches de piano et des signes de la partition.
L'écriture de Bach intègre l'ordre, la régularité apparente des signes de la partition et qui lui échappe l'intensité musicale. Le miroir motif que que l'on retrouve dans India song ou Détruire dit-elle marque le refus d'une représentation réaliste.

 

 
présente
 
Nathalie Granger de Marguerite Duras