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Editeurs : Potemkine et M6, Novembre 2012. 5DVD de 3 films de 2h00 et 2 DVD de bonus. DVD1 : L'écran, c'était la vie (1942-1954). DVD2 : Prochainement sur cet écran (1955-1959). D'un écran l'autre (1960-2012). DVD4 : Passeurs en Cinéphilie (2h50). DVD5 : L'écran des Maniaques (2h50). 50 €. Suppléments : environ 1h00 sur les trois premiers DVD et 2h50 sur les 2 DVD de suppléments, un CD et un livret.
Ruser pour voir le plus de films, le moins cher possible, fréquenter les salles de quartier ou les ciné-clubs, s'abandonner aux plaisirs des films du samedi soir ou décortiquer les revues de cinéma... telles furent quelques-unes des passions populaires bien françaises, communes à toutes les générations, manifestations d'un amour irrépressible pour le cinéma, les auteurs et réalisateurs, les acteurs, les techniciens... et les salles obscures. La série s'appelle Cinéphiles de notre temps, clin d'il à la mythique série de documentaires Cinéastes de notre temps. Il s'agit d'enregistrer les témoignages des cinéphiles historiques avant qu'ils ne disparaissent. Très peu de place est ainsi laissée à la cinéphilie des années 80, 90, 2000 et 2010 (cinq minutes par décennie) dont les cinquantenaires interviewés n'ont qu'une image très insuffisante. Mais l'intérêt est ailleurs. Laurent Chollet à travers des interviewes de quarante cinéphiles (tous masculins), patiemment obtenues sur plus de trois ans, ausculte ce qui reste de l'amour du cinéma, de ses traditions, de ses rituels, de ses "lieux de mémoire". Des images d'archives bienvenues font revivre les débats du studio Parnasse et ses discussions (où Juliette Greco n'était pas en reste) ou la dernière intervention de François Truffaut sur un plateau de télévision ou les publicités de Jean Carmet pour Radiola ou les studios d''Emile Couzinet. Laurent Chollet fait en effet coexister le cinéma érudit et le cinéma populaire, les bandes de cinéphiles qui créent leurs revues ou leur ciné-club et qui influenceront à leur tour d'autres cinéphiles et l'histoire de millions d'anonymes qui se précipitaient plusieurs fois par semaine au cinéma, goûtant au double programme, aux attractions et autres joies de l'entracte Les bandes annonces (La Strada, La fureur de vivre, Sur les quais, Graine de violence, Autant en emporte le vent....) et la voix d'Eddy Mitchell assurent les liens entre les images de natures très diverses qui révèlent de nombreuses facettes de la cinéphilie. |
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L'écran, c'était la vie (1942-1954). Gilles Jacob est à Nice, Claude Lelouch à Paris, Robert Lachenay enfant et François Truffaut errent dans les rues de Paris sous les traits des acteurs des 400 coups. Pierre Philippe s'émerveille du cinéma américain qu'il découvre à la libération. Pour Chabrol est cinéphile celui qui s'est construit une culture cinématographique. Les accords Blum-Byrnes menacent le cinéma français. L'écran français parait en juillet 45 en devenant une revue autonome vis à vis des Lettres françaises. Y écrivent Jean-Pierre Barrault, André Bazin, Alexandre Astruc. Il est soutenu par le parti communiste et tire à 110 000 exemplaires.... soit bien moins que Cinémonde, Cinévie, Cinévogue ou Pariscinema. Jean-Charles Tacchella fréquente beaucoup des vingt ciné-clubs de Paris dont le studio 28, celui des scouts de France, le ciné-club du quartier latin, le ciné-club universitaire, celui de la Mutualité. Fondé en 1946, la fédération française des ciné-clubs compte, dès la fin de cette même année, 100 000 membres dans 150 clubs. Jean Douchet participe au ciné-club de son lycée, animé par un prof de philo. Pour Gilles Jacob, c'est une époque formidable. Le cinéma n'a alors que cinquante ans et on peut se faire une culture de cinéma alors qu'aujourd'hui, avec 100 ans, c'est devenu impossible. Chabrol fréquente le Ciné-club universitaire, rue de l'entrepôt, près de la place de la Bastille. Le 4 janvier 1948, manifestation à Paris de plus de 10 000 personnes pour la sauvegarde du cinéma français. Schumann demande, le 20 janvier, aux américains de revenir sur les accords Blum-Byrnes. Washington accepte une cinquième semaine pour le cinéma français contre les treize aux productions hollywoodiennes. La première loi d'aide au cinéma français est adoptée en septembre 48. L'état qui s'arrogeait 30 % à 50 % des recettes de cinéma reversera désormais à la production une partie de l'argent versé sur chaque billet. Le 26 octobre 48, une salle de 60 places et un musée du cinéma, le premier du monde, celui de Langlois, sont inaugurés sur trois étages au 7 avenue de Messine dans le 8e. C'est l'ancien siège de la direction du cinéma durant l'occupation. Langlois a installé la cinémathèque française et son musée d'autorité. L'imposante Mery Merson et la non moins rébarbative Slava accueillent les cinéphiles qui s'y précipitent en nombre. Juliette Greco participe aux discussions qui se poursuivent au bar vert puis dans la rue, au grand dam du voisinage, jusque tard dans la nuit.
Truffaut fonde le "Cercle cinémane" qui ne tiendra jamais sa première séance où Cocteau devait venir présenter Le sang d'un poète. Bazin préside l'organisation Travail et culture, émanation du parti communiste et dirige son réseau de ciné-clubs, les jeunesses cinématographiques. Fin 48, il crée Objectif 49 dont les présidents sont Cocteau, Leenhardt et Bresson. C'est un ciné-club d'un type nouveau, tourné vers l'avenir et non le passé. Sont présentés de nombreux films contemporains qui n'ont pas eu le succès qu'ils méritent. Ces séances qui bénéficient de la personnalité de Cocteau se tiennent au Studio de l'Etoile sur Les Champs-Elysées. Elles trouvent leur prolongement du 28 juillet au 5 aout 1949 dans le premier festival du film maudit de Biarritz. Douchet y rencontre Rohmer et revient avec Truffaut dans la voiture de Bazin. En 1950 ce sera la sortie d'Autant en emporte le vent, défendu par Langlois, notamment au Studio de l'Etoile, tenu par Simone Lancelot. Naissance de Raccords, la revue de Gilles Jacob et Michel Flacon alors en khâgne. Elle défend l'esthétique, est non conformiste, non politisée. En 1949 paraissent dans Raccords, les premiers articles de Truffaut. La revue du cinéma est fondée par Jacques Doniol-Valcroze qui lorsqu'elle cesse de paraitre est l'un des fondateurs des Cahiers du cinéma. Les Cahiers visent à concurrencer L'écran français, trop politisé, qui exècre le cinéma américain et porte aux nues le moindre film soviétique. La couverture jaune rappelle celle de La revue du cinéma. Le premier numéro paraît le 1er avril 51 avec une photo de Sunset boulevard. Au Ciné-club du quartier latin, Maurice Schérer (Eric Rohmer) mène les débats. Le Minotaure est alors la seule libraire de cinéma de Paris. Elle est dirigée par Roger Cornaille. A Lyon, Bernard Chardère fonde L'Age du cinéma (51)
qui deviendra Positif en 1952. Le titre est choisi dans l'optique de
dire du bien des films et de défendre le côté positif
de l'humanisme. Aux Cahiers du cinéma, Truffaut et les jeunes turcs prennent le pouvoir avec le numéro sur Hitchcock d'août 1954. Prochainement sur cet écran (1955-1959). Les places du patronage de Livry-Gargan s'échangent avec celles pour le ciné-club du parti communiste à la bourse du travail. Naissance des cinémas d'art et d'essai. Pierre Philippe anime un ciné-club où se croisent Jean Mitry et "Truffette et Riveau" comme Adou Kyrou surnomme Truffaut et Rivette. Les discussions bénéficient de la flamme de Boullet et de l'érudition d'Henri Martin. Le label art et essai est lancé pour un cinéma de qualité et des films étrangers en VO. Les projections de films dans les cafés ne sont pas toujours compris par les spectateurs. Un projectionniste se souvient de réactions après La bête humaine : "On a rin compris, on a vu que des trains." La fédération française des ciné-clubs compte des milliers d'adhérents regroupés dans 1 500 clubs. Elle édite la revue Cinéma54. Dirigée par Pierre Billard, la revue Cinéma54 adopte dès son numéro 3 la mention "Le guide du spectateur. Yves Boisset y écrit souvent rejoint par Bertrand Tavernier, Gilles Jacob, François Truffaut. "Chez nous, on n'était pas combatif car nous incarnions une collectivité dont nous étions les enseignants... Nous ne nous sentions pas les détenteurs d'une vérité absolue qu'on imposait aux autres" déclare Pierre Billard. Le 30 avril 1955, c'est la fin de la cinémathèque au 7 avenue de Messine car l'immeuble est vendu. La nouvelle cinémathèque, avec sa salle de 260 places, prend ses quartiers au 29 avenue d'Ulm (5e) le 1er décembre 1955. Labarthe parle du début des Cahiers. Sur le plateau d'Apostrophe, Truffaut évoque en 1984, quelques mois avant sa mort, sa première rencontre avec Hitchcock au Studio de Joinville où il supervisait le doublage. "Attendez moi de l'autre côté de la cour, dans le bar" dit-il à Chabrol et Truffaut, si troublés qu'ils tombent dans un bassin gelé. "Je pense à vous à chaque fois que je vois des glaçons dans un verre de whisky" dira Hitchcock qui ne se priva pas d'améliorer l'histoire au fils du temps. Comme ils avaient été pris pour des figurants après la chute dans l'eau, Hitchcock imagine qu'ils reviennent habillés en curé et en flic. La querelle Cahiers-Positif s'incarne dans la défense de cinéastes différents : Fuller, violemment anticommuniste, contre Brooks, Hitchcock contre Huston... Pour Wilson, c'est plutôt Oxford et Cambridge. Les Cahiers font connaître le cinéma américain en France mais aussi aux Etats-Unis où tous, y compris les réalisateurs, se considéraient comme des artisans.
Au Ciné-club au studio Parnasse de Jean-Louis Cheray se retrouvent les jeunes turcs de la critique pour les sorties du mercredi et, surtout, le débat du mardi. Ainsi Jean Douchet " Tout le monde a peur d'être sincère avec lui-même et d'être sincère avec sa sensibilité. Est-ce que le public a ressenti les élans physiques des personnes les uns avec les autres ?". L'esprit ciné-club essaime jusqu'au salon que tient Chabrol à la Fox. Cinémonde, Cinérevue mettent les stars sur leurs couvertures. Les films d'Emile Couzinet pour le samedi soir ; l'érotisme de Buridan héros de la tour de Nesle. C'est l'âge des affiches, photos et bandes annonces, des cinémas de quartier où l'on fume et l'on vient parfois en chaussons et avec son chien Naissance de Présence du cinéma en juin 59. En aout 59, Michel Mourlet propose "Sur un art ignoré", un article que laisse paraitre Rohmer. Les Macmahoniens défendent Joseph Losey, Fritz Lang Otto Preminger et Vittorio Cottafavi qui est remplacé par Raoul Walsh pour former le carré d'as de cette tendance. Tous ont bien du mal à définir ce qu'est la mise en scène. Elle réside dans le cadre, l'objectif, la distance à laquelle on met les acteurs. Pour Joseph Losey elle est un regard. L'article "Apologie de la violence" consacre l'importance de l'acteur au cinéma, "Charlton Heston est un axiome" écrit Mourlet pour qui la plastique de l'acteur doit mordre la pellicule. Ricardo Freda est défendu par Simon Misrai, Jacques Lourcelles et Daniel Palace, les Néomacmahonien. Dans une société corsetée, les films fantastiques, ceux de la Hammer en premier lieu, sont un espace de liberté. Hélas pour les jeunes, ils sont interdits aux moins de seize ans. Jean Boullet est un grand défenseur du cinéma fantastique. D'un écran l'autre (1960-2012). Yves Martin et Bertrand Tavernier
fondent le ciné-club Nickel Odeon en novembre 60..... Au début des années 80 naissent le VHS et les vidéoclubs. Mort de Truffaut en 1984 et gloire de Rambo III. L'inauguration des multiplexes en 1993 ne doit pas faire oublier la reconquête du cinéma dans les campagnes en Dordogne. La cinéphilie de salon se substitue à une cinéphilie en salle. La cinéphilie serait nostalgique. Pour Simsolo, on n'a plus que des collectionneurs et pour Bromberg elle a disparu car la cinéphilie est un désir qui nait d'un manque, aujourd'hui assouvi par les DVD ou la VOD.
Jean-Luc lacuve le 25/11/2012
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présentent
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Cinéphiles
de notre temps de Laurent Chollet
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