New Iberia, Louisiane. L'inspecteur Dave Robicheaux est sur les traces d'un tueur en série qui s'attaque à de très jeunes femmes. Alors qu'il vient de découvrir une nouvelle victime, Dave fait la rencontre d'Elrod Sykes. La grande star hollywoodienne est en Louisiane pour le tournage d'un film sur la guerre de Sécession que finance Julius Balboni, surnommé Baby Feet, une des grandes figures de la mafia locale. Elrod confie à Dave qu'il a repéré dans un bayou des ossements humains enchaînés. Cette nouvelle fait resurgir en Dave des souvenirs enfouis
Dans la brume électrique se caractérise d'abord par une ampleur historique peu commune en mêlant la fin de la guerre de Sécession en 1865, le meurtre commis 100 ans plus tard en 1965, et la situation contemporaine un peu plus de 40 ans plus tard, après le passage de l'ouragan Katerina. Entre ces trois strates temporelles, deux personnages : Dave Robicheaux, semi-comateux ou violemment pulsionnel et Elrod Sykes qui partage avec le policier la même et dangereuse fascination pour l'alcool et les visions du général John Bell Hood, vétéran texan.
Apparitions dans la brume
A cette riche matière romanesque, Bertrand Tavernier ajoute encore les malversations dues aux compromissions d'Hollywood avec la mafia. La première blanchissant l'argent des détournements de fonds des subventions fédérales pour la reconstruction de La nouvelle Orléans après l'ouragan d'où ce personnage de l'agent fédéral Rosie Gomez qui cherche à faire tomber Julie 'Baby Feet' Balboni.
Bertrand Tavernier ne cesse de passer d'une strate à l'autre, les illustrant sans choisir un sujet prioritaire. On pourra certes voir une référence à Clint Eastwood avec ce personnage qui surgit du passé pour encourager Dave Robichaux à continuer le combat du bien contre le mal. Les morts ayant droit comme il est dit au départ à autant de place sur terre que les vivants. Mais les apparitions du Général sont traitées sur un mode réaliste comme une discussion à l'intérieur de soi même ayant pour but de renforcer la conviction intérieure du personnage dans le combat qu'il a entrepris.
Seules notes vraiment fantastiques : la révélation à Elrod Sykes que Dave possède le pistolet du second du général et la photographie qu'Alafair découvrira dans un livre d'histoire où figure son père parmi les sudistes comme lors de la photo prise avec eux. Ces deux éléments tendraient à prouver que Dave est la figure du combattant défiant le temps mais toujours incertain du bien fondé de sa démarche. Fallait-il être sudiste ? Fallait-il entreprendre ce combat au risque de faire d'innocentes victimes (Kelly Drummond, Amber, et, évitée de peu, Alafair).
Profondeur de champ, voix off et musiques
On notera aussi un usage systématique de la profondeur de champ réduite (personnages nets au premier plan et fonds systématiquement flous) comme si Dave n'arrivait pas à raccorder son être avec le monde qui l'entoure.
Le terme de l'éternel marécage s'accommode parfaitement de la voix off très présente comme des thèmes musicaux tout aussi présents mais plus variés qui accompagnent Dave dans ses entretiens. Rien d'étonnant non plus à ce qu'en écoutant tout le monde, Dave finisse par accumuler les indices qui lui feront découvrir le coupable lié à Hollywood, la mafia et la police.
Doubles, pulsions et innocence préservée.
Autant Dave se montre souvent flegmatique, posé, bon père et bon mari, autant ses comportements relèvent parfois de la pulsion violente. Même s'il ne s'adonne maintenant plus qu'au Docteur Peper, un soda sans alcool, il semble bien connaître les alcooliques anonymes et reconnaître en Elrod Sykes un double... qu'il n'aime pas particulièrement. La première apparition de celui-ci dans sa voiture de course rouge titubant sous l'emprise de l'alcool et de la drogue donne sans doute une idée de ce que Dave fut jadis. Hanté par la mort de Dewitt Prejean qu'il a assez vraisemblablement vu enfant, c'est Elrod T. Sykes qui le conduit à se réapproprier son passé.
Dave finira donc par retrouver son passé et se réconciliera avec lui-même son passé et sa famille, laissant au riche Lemoyne, le désespoir de son remord.
Jean-Luc Lacuve, le 22/04/2009.