Un modeste et vieux coupeur de bambous découvre dans la forêt une plante étrangement lumineuse. Alors qu'il s'approche, une pousse de bambou tout aussi étrangement précoce surgit de terre et se déploie pour laisser apparaitre une princesse miniature qu'il peut tenir dans le creux de ses mains. Il la ramène à la maison et s'oppose presque à sa femme qui souhaite participer à son éducation. Il cède cependant quand la princesse se transforme soudainement en bébé de quelques jours. Le couple s'apprête à emmener l'enfant près d'une nourrice quand, sur le chemin, la femme à une soudaine montée de lait qui lui permet d'allaiter leur bébé qui grandit à vue d'il : quelques jours lui suffisent pour prendre autant d'années.
Les voisins de la bambouseraie se moquent gentiment de "pousse de bambou" mais sont sidérés par son chant et séduits par sa gentillesse et son énergie. Sutemaru devient son ami.
Alors que le coupeur de bambou s'en va dans la forêt une autre lumière étrange lui désigne un bambou qui contient un trésor. Le vieux couple comprend alors qu'un cadeau lui a été offert par les dieux. Arrachant la jeune fille attristée aux amis et aux promesses d'amour qui l'attendaient au village, le vieil homme entreprend d'établir la famille dans une somptueuse demeure de la capitale et engage Dame Sagami pour parfaire son éducation de princesse. Bientôt, toute la ville ne parle plus que de sa beauté sans l'avoir seulement vue. Les plus grands seigneurs, exaltés, cherchent à forcer les portes du vieux coupeur de bambous pour tenter d'apercevoir son trésor vivant.
Dotés du prestige de leur nom et de leurs fonctions, cinq d'entre eux parviennent à se faire recevoir pour déposer leur demande officielle. On compte le jeune et beau prince Ishitzukuri, le ministre de la droite Abe, mielleux et rusé, le grand conseiller Otomo, rustre viril, le moyen conseiller Isonokami, ainsi que le prince Kuramushi.
Cachée derrière les voiles d'une tente, invisible à leurs yeux, Kaguya les écoute pérorer et leur impose à chacun le même défi : ramener par une quête périlleuse et incertaine un objet précieux impossible à obtenir en réalité, qui témoignerait de la valeur de leur amour. Les cinq prétendants se lancent à corps perdu, tandis que la princesse, de plus en plus ennuyée par cette vie de cour, songe à revenir à la bambouseraie. Mais c'est l'hiver là-bas et les coupeurs de bambous sont partis pour dix ans afin de laisser la forêt se régénérer.
Le retour grotesque des cinq prétendants amuse un temps Kaguya mais la mort de deux d'entre-eux ne peut que l'attrister. L'empereur en personne lui promet le mariage mais son ardeur dégoute Kaguya qui, par un vu étrange, disparait momentanément. Les jours suivants la voit triste à supplier la lune. Dans son désespoir, elle a demandé à revenir sur la lune et le regrette maintenant amèrement. Elle sait qu'elle ne connaitra jamais plus la douce incertitude de la vie terrestre. La mère l'amène secrètement dans la bambouseraie ou Sutemaru la reconnait et bien que marié et père d'un jeune enfant, l'incite à fuir avec lui. Peine perdue à l'heure dite, le 15 aout, l'aéropage lunaire vient chercher Kaguya au désespoir de ses parents.
"Le coupeur de bambou", un des textes fondateurs de la littérature japonaise. C'est un texte célèbre du IXe siècle, un roman plus qu'une légende, devenu l'ancêtre d'un genre littéraire spécifique, porté par des personnages féminins. Il y a cinquante ans, la société Toei, pour laquelle travaillait Takahata, avait lancé un appel d'offres en interne pour l'adapter. Takahata essaya d'être fidèle au texte, tout en tentant d'en élucider les aspects les moins compréhensibles. Pourquoi, par exemple, nous dit-on que cette princesse, que l'on voit naître, adulte, dans une pousse de bambou, vient de la Lune ? Le texte original évoque une faute qu'elle aurait commise. Quand on vient la chercher, on lui dit " voilà, votre peine est terminée ". Mais rien n'est dit sur la nature de sa faute. Il a imaginé qu'elle avait enfreint un tabou en éprouvant de la curiosité pour la Terre, ce monde imparfait, plein de turpitudes mais débordant de vie. Son exil serait ainsi un châtiment voué à lui faire éprouver cette laideur et à la pousser à demander d'elle-même un retour sur la Lune, que le texte décrit comme un endroit pur, éthéré, serein
Le mélange de dessin au crayon et d'aquarelle, dans un ensemble qui respire l'esquisse et l'inachevé est en adéquation avec cet aspect imparfait mais vivant de la vie sur terre. Il permet au spectateur aussi d'imaginer la beauté parfaite de la princesse Kaguya.
Source : Jacques Mandelbaum et Isabelle Regnier, Le monde du 24/06/2014