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Invités
tous deux par un ami commun, l'avocat Glen Corbie, Ellen Berent et le romancier
Richard Harland font connaissance dans le train qui les mène à
Jacinto, au Nouveau Mexique. Ellen tombe éperdument amoureuse de Richard,
en qui elle trouve une ressemblance frappante avec son propre père
à qui elle vouait un culte. Ellen prend l'initiative de rompre avec
son fiancé, Russell Quinton, pour épouser Richard. Elle part
vivre avec lui dans un chalet de montagne sur les bords d'un lac dans le Maine
en compagnie de Danny, le jeune frère infirme de son mari.
Mais,
jalouse de l'affection que Richard porte à Danny, elle encourage délibérément
ce dernier à nager jusqu'à épuisement et le laisse se
noyer dans le lac sans lui porter secours. Puis, sachant qu'elle ne pourra
supporter la présence d'un autre être dans son couple, elle tue,
par une chute volontaire dans un escalier, l'enfant qu'elle portait. Richard
finit par se détacher d'elle. Alors, plutôt que de le perdre,
elle préfère se suicider au poison en s'arrangeant pour faire
retomber les soupçons sur sa cousine Ruth, qu'elle voit trop souvent
en compagnie de Richard. Au procès, Quinton, devenu District Attorney,
accable Ruth et l'accuse d'assassinat prémédité, mais
Richard, prenant sa défense, révèle la jalousie maladive
qui rongeait son épouse. Ruth acquittée, c'est lui qui fera
deux ans de prison pour avoir gardé le silence sur les entreprises
criminelles de sa femme. Mais Ruth l'attendra à sa sortie.
Un
an avant Laura, qui allait
consacrer son pouvoir de fascination, Gene Tierney incarnait Ellen, un personnage
de femme possessive, dominatrice et monstrueuse. Le film est l'étude
singulière d'un cas de névrose. La manière dont l'héroïne
se débarrasse de Danny, frère infirme du héros par un
"meurtre indirect" ouvre un processus de haine et de frénésie
qui rend le personnage tragique, comme si John Stahl plaignait cette femme
emportée par son obsession. Ellen, en proie au démon de la jalousie,
va jusqu'à se jeter du haut d'un escalier pour se faire avorter.
La couleur, enchanteresse, contribue pour une grande part à échafauder un universparadisiaque au sein duquel John Stahl va installer une intrigue particulièrement noire et tragique. L'un des maîtres du mélodrame américain d'avant guerre oppose ainsi, fidèle à l'esprit du genre, perfection de la nature et imperfection de la nature humaine
Le thème du bonheur impossible cher au mélodrame (le film pourrait s'intituler "le paradis perdu" s'y trouve évoquer dans une atmosphère peu à peu empoisonnée où l'obsession amoureuse se mêle au crime dans la meilleure tradition du film criminel de l'après guerre.
Deux moments inoubliables figurent à tout jamais dans la cinémathèque idéale des cinéphiles la chevauchée de Gene Tierney répandant à tous vents les cendres de son père et sa chute volontaire dans l'escalier. Cette dernière scène s'attira les foudres de la censure mais fut finalement tolérée.