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À Boston, une lutte sans merci oppose la police à la mafia irlandaise dirigée par Frank Costello, parrain des quartiers sud. Ce dernier va racketter une épicerie et repère un enfant, Colin Sullivan. Il lui fait comprendre comment, selon lui, le monde marche : il ne faut pas attendre, il faut prendre.
Sullivan devient adulte et entre dans la police d’État du Massachusetts à Boston. Il travaille dans l'unité spéciale chargée de lutter contre le crime organisé. Dans le même temps, l'unité chargée des infiltrations repère un brillant élément dans la même promotion que Sullivan, un certain Billy Costigan. Ce dernier a eu une enfance partagée entre les quartiers nord huppés où vivait sa mère et les quartiers sud de Boston où famille comptait de nombreux truands à l’exception de son père, bagagiste à l’aéroport qui resta toujours intègres ; le capitaine Queenan se dit qu'il y a là une occasion d'infiltrer le gang de Costello.
Costigan fait ainsi de la prison pour rendre crédible son identité d'agent infiltré ; il attire l'attention de Costello en passant plusieurs personnes à tabac. Costello se dit que Costigan peut lui servir au sein de sa bande composée de Fitzy, Delahunt et "Mr French".
Pendant ce temps, Sullivan devient sergent, trouve un appartement, et a une relation avec Madolyn, la psychiatre de la police. Sullivan renseigne Costello sur les enquêtes menées contre lui. Un jour, un vol est commis dans une grande entreprise informatique ; des microprocesseurs sont dérobés et le voleur est retrouvé mort peu après ; les soupçons se portent sur Costello mais aucune preuve ne l'incrimine.
Plus tard, Sullivan apprend que Costello va vendre des microprocesseurs dérobés à l’armée à des Chinois et que l'opération est surveillée par son unité ; il informe discrètement Costello et conseille d’éteindre les portables qui les localisent ; seul celui de Costigan reste allumé. La transaction a lieu mais les caméras mal placées ne détectent pas que tout le monde s'enfuit par bateau. La police a échoué encore une fois. Peu de temps après, Costigan apprend que Costello est un informateur protégé du FBI, et partage sa découverte avec Queenan.
Costello se doute qu'il y a une taupe dans son équipe et demande à Sullivan d'enquêter et de la trouver. Cela complique la vie de Sullivan qui doit cacher sa double vie à sa fiancée qui se trouve être le médecin que Billy Costigan doit aller voir régulièrement et à qui il confie que sa double vie lui pèse et qu'il pense au suicide.
Costello donne rendez-vous à Sullivan dans un cinéma pour adultes pour lui donner les documents sur ses hommes dans une enveloppe marquée « citizens ». Costigan, qui a reçu l'ordre du capitaine Queenan d'identifier puis d'interpeller celui qui aura l'enveloppe, suit Colin sans le reconnaître et le perd dans les rues de Boston. Costigan, déboussolé rejoint Madolyn chez elle et, troublés l’un par l’autre, deviennent amants.
Costello devient de plus en plus paranoïaque et menace toute son équipe ; il veut trouver le rat (équivalant de la taupe en anglais) à tout prix. Il ordonne à Sullivan de trouver une solution faute de quoi il s'en prendra à Madolyn. Sullivan décide de faire suivre le capitaine Queenan qu’il sait en contact avec Costigan. Il apprend que ce dernier se trouve dans un immeuble en travaux et prévient les hommes de Costello Costigan réussit à s'enfuir mais le capitaine Queenan est jeté du haut du toit de l'immeuble. Une fusillade s'ensuit et Delahunt est très grièvement blessé. Avant de mourir, il révèle à Billy qu'il a deviné qu'il était un agent infiltré, mais qu'il n'a rien dit. On apprend peu de temps après aux informations que Delahunt était lui aussi un agent infiltré, ce que Costello ne croit pas, pensant que c'est une manœuvre pour qu'il arrête de chercher la taupe.
Sullivan, qui a remplacé Queenan, tente d’examine le dossier d'infiltration de Costigan sans pouvoir y accéder faute de connaitre le mot de passe. Ayant repris le téléphone de Queenan, Sullivan, incite néanmoins Costigan, qu’il ne connait pas, à continuer son infiltration et lui donner des informations. . En parcourant le carnet de Queenan, il apprend que Costello est un informateur du FBI et sa confiance en lui s'effondre. Lors d'une nouvelle opération de Costello pour récupérer un chargement de drogue, Costigan ayant informé Sullivan du lieu où cela doit se passer, il ordonne ainsi à la police de s'y rendre. Une fusillade éclate, tous les malfrats sont tués. Sullivan, furieux que Costello ait pu donner son nom au FBI, l’abat.
Félicité par ses collègues, Sullivan apprend qui est réellement Billy Costigan. Au moment où Sullivan vérifie son dossier dont il a maintenant le mot de passe pour lui verser l’argent promis, Costigan remarque que l'enveloppe marquée « citizens » se trouve sur le bureau de Colin et comprend que Sullivan était la taupe de Costello et s’enfuit.
Lorsque Sullivan découvre que Costigan est parti, il réalise que Costigan a découvert la vérité et supprime les dossiers de Costigan des ordinateurs de la police. Costigan rend visite à Madolyn, qui a dit à Sullivan mais pas à Costigan qu'elle était enceinte, sachant que Sullivan n'est peut-être pas le père, et lui tend une enveloppe, lui demandant de l'ouvrir si quelque chose lui arrive.
Madolyn trouve dans le courrier de Costigan à Sullivan une enveloppe contenant un CD des conversations enregistrées de Costello avec Sullivan. Craignant que Costigan ait révélé leur liaison, elle l'écoute et comprend qui est Sullivan.
Costigan organise une rencontre avec Sullivan sur le même toit où Queenan a été tué, puis l'arrête. Costigan appelle le policier Brown, une connaissance de l'académie de police, mais Brown pointe une arme sur lui à son arrivée, ne sachant pas qui croire.
En disant qu'il a des preuves reliant Sullivan à Costello, Brown laisse Costigan prendre l'ascenseur. En arrivant dans le hall, Costigan est abattu par le soldat Barrigan, un ami de Sullivan qui est un autre des espions de Costello. Brown atteint le hall mais est également tué par Barrigan. Sullivan abat Barrigan, afin de pouvoir le faire passer pour la seule taupe.
A l'enterrement de Costigan, Sullivan remarque Madolyn qui pleure en silence. Lorsqu'il tente de lui parler du bébé, elle l'ignore. Plus tard, lorsque Sullivan arrive à la maison, Dignam l'attend et, après que Sullivan ait accepté son sort, Dignam lui tire une balle dans la tête, le tuant et vengeant à la fois Queenan et Costigan avant de partir. Le dernier plan montre un rat rampant sur la balustrade du patio avec le capitole du Massachusetts au loin.
Les
infiltrés est un faux remake de Infernal
affairs (Andrew Lau, 2002). Scorsese transforme un scénario trop
rusé où le thème du double croise celui de la paternité
dans un jeu assez vain en son thème de prédilection : la tragédie
de la détermination familiale. La figure diabolique et libre de Costello
fournit aussi à la galerie des paranoïaques de Scorsese son grand
personnage d'irlandais après ceux de Gangs
of New York où ils ne tenaient finalement... que le beau rôle.
Evacuer le thème du double
Le double était le sujet par trop évident de Infernal affairs (Andrew Lau, 2002). Ce thème transparaît encore dans le film jusqu'à l'entrée des deux hommes dans deux services distincts de la police. Les doubles sont à la foi les mêmes et leur contraire. Ils téléphonent tous les deux à leur père de substitution : Queenan pour Billy, Costello pour Colin. L'un sera le responsable indirect de sa mort, le convoquant dans un piège mortel, l'autre l'abattant froidement. Ils aiment tous les deux la même femme : l'un ne pouvant en faire son amie, l'autre ne réussissant plus à être son amant. Ils sont ainsi, l'un et l'autre, victimes de troubles en étant infiltrés : médicament pour l'un, impuissance pour l'autre. Tout cela se traduisant par une indécision quant au père de l'enfant de Vera.
Comme les polars bavards, Usual suspect, Inside man ou ceux de Christopher Nolan, le but de Andrew Lau se réduisait à l'acharnement un peu vain à boucler un scénario plutot que de creuser (avec rimes répétitions et variations) les obsessions si ce n'est de chacun au moins d'un ou deux personnages.
L'artificialité du scénario préside encore lors de la double exécution des deux héros. Dans une tragédie, le personnage porte en lui les germes du destin qui le ruinera. Ici, rien ne vient avertir de la fin des héros : aucun d'eux n'en est arrivé au point de dégoût qui pourrait la faire sonner comme une délivrance. Acceptable, cette fin reste banale.
Les forces centripètes de l'enfance
Scorsese donne toutefois une autre résonance à cette double mort. Billy souhaitait de toute force échapper à la corruption de sa famille et retrouver l'intégrité de son père que la pègre avait finit par exécuter. C'est pour lui une tragédie de revenir faire semblant d'y vivre après avoir maudit cette famille lorsque sa mère était mourante à l'hôpital. En croyant se régénérer dans la police, Billy ne fait que retourner de là où il vient. Scorsese reprend du film de Lau la chute mortelle au ralenti de Queenan balancé du haut de l'immeuble par les truands. Mais Queenan éclabousse de son sang Billy qui tente de s'enfuir. Nul effet gore gratuit dans cet ajout scorcesien : chez lui le sang des pères -même adoptifs- éclabousse toujours les fils.
Tragique aussi la corruption de Colin enfant qui le conduira, finalement, au bout du compte, à ne posséder rien d'autre que le contenu d'un sac en papier. C'est en remplissant son sac à papier de pain, légumes, livres et autres chewing-gums que Costello amène à lui Colin. Et ce n'est que le même pauvre sac en papier que ramène Colin chez lui à la fin du film. Il est alors détesté par tous, même par le petit chien de la voisine, comme si sa nature de traître était percée à jour aux yeux de chacun. Véra l'a probablement dénoncé à la police - à l'enterrement tous s'écartent de lui, il reste seul, alors qu'on devrait l'acclamer comme un héros- Pestiféré, ne possédant que le sac à papier qu'il tient maladroitement, il est exécuté par le lieutenant "intègre" qui étouffe ainsi le déshonneur de la police
Shakespeare rongé par les rats
Lors de leur premier dîner au restaurent, Vera et Colin sont bien naïfs de se protéger derrière une citation de Freud affirmant que la psychanalyse glisse sur les Irlandais.Billy et Colin n'ont pu échapper au destin que leur enfance avait tracé pour eux.
A l'opposé, Costello, grande figure shakespearienne tragique, réussit cet exploit et le paie d'une mort grandiose. Le début assez mystérieux du film met en scène un montage parallèle. D'une part, des images documentaires des émeutes raciales suite à l'obligation d'intégrer des enfants noirs dans les écoles irlandaises. D'autre part, Costello filmé à contre-jour exprimant son refus de la prédestination par le milieu social : "On dit que l'on est façonné par son environnement', dit-il "C'est faux, ici c'est moi qui contrôle". ("I don't want to be a product of my environment. I want my environment to be a product of me.")
Cette bravade est constante chez Costello. Elle le conduit à insulter les prêtres, à s'exhiber dans le cinéma porno, à jeter la cocaïne à poignée, aux chemises couverte de sang. Pour sortir de son destin, se faire plus grand que ce qui lui était permis jusqu'à atteindre la protection d'état par le FBI, il méritait bien cette exécution par son fils adoptif, pleine de bruit et de fureur.
Ce destin shakespearien qu'il revendique, s'oppose à ceux de Colin, enfant de cur apeuré qui, s'est trouvé une nouvelle loi en se mettant sous la protection de Costello et celui de Billy acceptant une vie de gangster pour garder l'intégrité de son père. Tous deux ont été contraints de vivre comme des rats sous l'ombre satanique de Costello.
Le film se clôt sur l'image d'un rat courant sur un mur avec, en arrière plan, le dôme du Capitole. Vouloir incarner une loi symbolique et désincarnée et n'être qu'un rat est probablement le regard que porte Scorsese sur Colin et Billy. Ce dernier cite Hawthorne (on lui reproche de ne pas citer Shakespeare), l'auteur qui décrivit la mauvaise conscience puritaine des premiers colons qui débarquèrent à Cape Cod et fondèrent Boston, lieu d'action du film.
Le héros scorsesien ne déploie sa grandeur que partagé, irréconcilié et tragique entre les forces centripètes de son enfance et celles centrifuges de l'adolescence, entre origine et création entre communauté et universalisme. C'est ce parcours, grandiose pour l'un, misérable pour les deux autres, qu'auront accompli Costello d'une part et Billy et Colin d'autre part.
Jean-Luc Lacuve le 03/12/2006 (merci à Jean-Benoît Massif pour la quasi-totalité des arguments développés ici).