![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
![]() |
La
province du Bengale au début du 19e siècle. A Chandipur, Kalikinkar
Roy, riche propriétaire terrien, voue un culte profond à la
déesse Kali. Ses deux fils, l'un et l'autre mariés, ont une
attitude bien différente devant le sentiment religieux de leur père.
L'aîné, Taraprasad, lui est entièrement soumis, peut-être
par peur d'être déshérité. De son épouse
Harasundari, il a eu un fils, le tout jeune Khoka. Umaprasad, le cadet, est
étudiant à l'université de Calcutta et désapprouve
totalement l'obscurantisme de son père. Sa femme, Doyamoyee, est la
favorite du vieux dévot et la grande amie de Khoka.
Après un festival, Umaprasad retourne à Calcutta pour poursuivre sa scolarité, qui comprend l'apprentissage de l'anglais, tandis que Doyamoyee reste sur place pour aider à prendre soin de Khoka, avec qui elle a un lien presque maternel, ainsi que de Kalikinkar, qu'elle aide dans ses prières et ses rituels quotidiens.
Kalikinkar fait un rêve dans lequel les yeux de Kali et de Doyamoyee fusionnent, ce qu'il interprète comme révélant que Doyamoyee est une incarnation de la déesse. Il la réveille et tombe à ses pieds, et le soumis Taraprasad fait de même, bien que Harasundari reste sceptique. Le prêtre de la famille est appelé et exécute un rituel avec de la fumée et des cloches. Doyamoyee s'évanouit, ce que Kalikinkar interprète comme une transe. Lorsqu'elle se réveille, elle demande à Harasundari d'écrire à Umaprasad.
Doyamoyee est déplacée dans une partie privée du manoir et obligée de s'asseoir comme une idole autour de laquelle des rituels sont exécutés. Un mendiant local, ayant essayé tout ce qu'il pouvait imaginer, lui amène son petit-fils inconscient, et Kalikinkar suggère de donner au garçon du charanamrito (l'eau utilisée pour laver les pieds de la déesse) à boire. Umaprasad arrive pendant ce processus et, choqué par toute la scène, se dispute en privé avec son père. Kalikinkar remet brièvement en question sa certitude, mais, lorsque le garçon malade ouvre les yeux, il croit avoir la preuve de la divinité de Doyamoyee.
Cette nuit-là, Umaprasad se faufile dans la chambre de Doyamoyee et lui demande de partir avec lui. Ils arrivent au bord de la rivière, où un bateau les attend, mais Doyamoyee hésite et devient anxieuse. Elle commence à se demander si elle n'est pas une déesse et, craignant de partir, demande à Umaprasad de la ramener chez elle. À contrecœur, il obtempère et retourne seul à Calcutta.
Alors que la nouvelle du "miracle" avec le garçon malade se répand, le nombre de fidèles de Doyamoyee augmente rapidement et des suppliants viennent de loin pour l'adorer. Elle reste assise stoïquement pendant les cérémonies, mais son sentiment d'isolement grandit. Même Khoka commence à l'éviter.
Un jour, Khoka développe une forte fièvre. Harasundari appelle un médecin et, bien qu'il soit mal à l'aise d'être là sans que Kalikinkar le sache, il accepte de revenir avec des médicaments. Cependant, Taraprasad entre alors que le médecin s'en va et il raconte à Kalikinkar ce qui se passe. Kalikinkar amène Khoka à Doyamee et lui demande de guérir le garçon. Bien que Harasundari et Doyamoyee aient tous deux de sérieux doutes quant à la pertinence de cette idée, elles acceptent de donner à Khoka du charanamrito et de laisser Doyamoyee le tenir dans les bras toute la nuit. Khoka est mort au matin.
Umaprasad rentre chez lui et trouve Kalikinkar seul, pleurant au pied d'une statue de Kali. Il accuse son père d'avoir tué Khoka à cause de sa foi aveugle, puis dit qu'il a l'intention de sauver sa femme du fardeau écrasant de la divinité, mais il semble qu'il soit trop tard. Il trouve Doyamoyee en train de s'habiller dans sa tenue de mariage, les yeux écarquillés et disant qu'ils doivent partir avant qu'elle ne soit tuée. Elle s'enfuit dans la brume, tandis qu'Umaprasad l'appelle. Il la retrouve allongée sur la grève. Elle meurt.
Satyajit
Ray traite ici d'une histoire propice à instruire le procès de
l'hindouisme, mais surtout celui de l'obscurantisme et du mauvais usage des
religions, aggravés par les inégalités sociales.
L'extrême sobriété, la réserve et le recul qui caractérise son style l'amène à ne juger des comportements mentaux et idéologiques qu'en fonction des effets qu'ils provoquent. Comme si ce n'était pas lui qui, dans l'intrigue inventait aussi ces effets. Cette réserve n'est en fait qu'une ruse dramatique et stylistique qui confère un poids d'autant plus grand à la condamnation portée. Mort d'un enfant, dislocation d'un ménage, folie et désintégration psychologique de l'héroïne (elle en arrive à se demander si elle ne serait pas effectivement la déesse) sont les péripéties successives qui sanctionnent la rêverie délirante d'un vieillard trop puissant et trop écouté.
Dans sa densité expressive, le film a la force et le laconisme d'une nouvelle de Maupassant. Il nous rappelle à propos que Satyajit Ray au-delà des convictions sociales et philosophiques qu'il exprime est avant tout un conteur. Et c'est en tant que conteur qu'il a le don de susciter la réflexion du spectateur.