À Bucarest, Costi est un jeune père de famille accompli. Le soir, il aime lire les aventures de Robin des Bois à son fils, Alin, âgé de 6 ans pour l’aider à s’endormir. Un jour, son voisin, Adrian, lui confie qu’il est certain qu’un trésor est enterré dans le jardin de ses grands-parents ! Et si Costi accepte de louer un détecteur de métaux et de l’accompagner pendant une journée, il serait prêt à partager le butin avec lui. D’abord sceptique, et en dépit de tous les obstacles, Costi se laisse finalement entraîner dans l’aventure
Arrivé tôt le samedi matin à la campagne, Adrian et Costi attendent l'arrivée de Cornel muni du détecteur de métaux. C'est bien au pied du murier centenaire, comme le supposait Adrian que le détecteur indique la présence de métal enfoui. Mais le trésor peut se trouver jusqu'à deux mètres de profondeur et c'est toute la journée que Costi et Adrian se relaient pour creuser. Cornel est resté jusqu'au soir curieux mais Adrian se montre de plus en plus sceptique et agressif et il préfère partir.
Alors que la nuit est tombée et qu'ils s'apprêtent à renoncer, Costi trouve enfin le trésor, une boite de fer. Comme ils n'arrivent pas à l'ouvrir, ils décident de la ramener à Bucarest. Alors qu'ils ferment les portes, la police survient et ils sont obligés d 'avouer avoir trouvé un trésor pour se conformer à la loi. La police demande au voleur Lica de forcer la serrure qui y parvient après quatre heures d'efforts. La boite de fer contient des actions Mercédès achetées en 1969. Il ne peut donc s'agir d'un bien du patrimoine national, soumis à 70% d'impôt. Les deux hommes s'en retournent donc joyeux pour Bucarest
Alin est déçu qu'au lieu du trésor promis, la boite ne contienne que du papier fut-ce de valeur. A la banque la surprise est heureuse : les actions achetées en 1969 ont pris une grande valeur, près de 120 000 euros. Même avec la part qui revient au frère d'Adrian et les 7% de commission de la banque, la somme est coquète. Sur le chemin du retour Costi achète des bijoux en grand nombre. C'est ainsi qu'il remplit la boite pour enfin faire plaisir à son fils qui voit enfin se concrétiser un vrai trésor. Costi laisse les autres enfants prendre ce qu'ils veulent; ce qui n'est pas du goût d'Alin qui le poursuit en criant au voleur.
Après 12:08 à l’Est de Bucarest (2006) et Policier - adjectif (2009) qui en avait fait la figure de prou du nouveau cinéma roumain, Porumboiu n'avait pas connu grand succès avec Métabolisme (2013). Il revient ici à son thème de prédilection, la Roumanie postcommuniste, filmée à travers un quotidien en apparence banal, la crise économique des années 2010, transfigurée par la métaphore du temps retrouvé.
Une expédition burlesque
Costi, le voisin Adrian et le spécialiste en détection des métaux exhument le passé de la Roumanie : la période phanariote avec ses riches commerçants grecs, le moment 1848 (Islaz, la commune où ils se rendent pour exhumer le trésor fut le lieu de départ de la révolution de 1848, qui permettra, une décennie plus tard, la naissance de la Roumanie), la fin de la Deuxième Guerre avec l’arrivée des communistes et enfin la chute du communisme et la "transition" vers le capitalisme. La tension de la filature montée par le policier de Policier - adjectif se mue ici en une impatience qui monte au fur et à mesure que le soleil décline (et que le trou devient plus profond). Avec une grande simplicité de moyens, des cadres rapprochés et épurés, un humour constant (les bip du détecteur de métaux, la scène au commissariat de police de Islaz où le voleur a été convoqué) Porumboiu décrit une expédition, le temps d'un week-end rocambolesque à la campagne, d'une triade comique (comme dans 12:08 à l’Est de Bucarest). Mais il parvient aussi à mener le spectateur vers un "au-delà", vers l’inattendu.
Le temps retrouvé du conte
Trouver un trésor rien que pour faire plaisir à son fils ; le sujet serait fin et subtil mais pourrait paraitre un peu anodin. Ce serait oublier que la métaphore du trou à creuser renvoie aussi, via le reportage télévisé que regarde Raluca à la télévision avant d'accepter d'interroger son père pour un prêt, au débat, très politisé en Roumanie ces dernières années, sur l’opportunité de confier l’exploitation du gisement d’or de Rosia Montana à une entreprise multinationale. Les roumains se trouveraient ainsi dépossédés de leur trésor national par les multinationales. Porumboiu préfère mettre en scène des roumains qui creusent pour sortir enfin de ce passé douloureux et retrouver le trésor intemporel et merveilleux des contes.
Jean-Luc Lacuve, le 22/02/2016 (Merci à Dragos Ioan)