Le haut commandement des armées américaines, air, terre, mer et Marines, constate l'inefficacité des guerres : toutes perdues par les Etats-Unis depuis la seconde guerre mondiale. Cet aréopage de hauts gradés supplie ainsi Michael Moore de trouver une autre solution pour s'approprier les richesses des autres pays. Michael Moore sur son petit navire arborant le drapeau américain se propose de les conquérir seul et pacifiquement en marquant les territoires riches d'idées de la bannière étoilée.
Michael Moore commence sa conquête de l’Europe par l'Italie où il découvre les bienfaits des congés payés. Un couple de Romains, un policier et une vendeuse, bénéficie de sept semaines de congés payés pour partir en vacances. A ceci s'ajoutent des congés maternités de plusieurs mois. Aux Etats-Unis, les congés payés ne sont pas inscrits dans la loi. Si les syndicats sont assez forts, un salarié peut espérer deux à trois semaines de congés payés.
La France est le second pays envahi. C'est dans une petite école normande que Moore découvre les bienfaits de la diététique avec sa cantine scolaire. Il tente sans succès d’introduire une canette de Coca-cola et les enfants sont dégoutés par les photos des plats américains, bien trop gras, que doivent ingurgiter les petits américains.
Moore découvre ensuite le droit du travail en Allemagne. Un patron n’a pas le droit de contacter ses employés en dehors des heures de travail. La prospérité des classes moyennes va de pair avec des déjeuners chez soi le midi pour ces ouvriers d'une usine de motos. Cette prospérité et cette joie de vivre s'appuient sur un devoir de mémoire exemplaire, assumant les fautes des Allemands durant la période nazie.
Moore se déplace ensuite en Finlande à la découverte de l’éducation coopérative. Les professeurs ne donnent jamais de devoir à la maison afin que les enfants puissent jouir de leur temps libre et libérer leur esprit. Même attention à l'éducation en Slovénie où les droits universitaires sont gratuits. Les étudiants ne sont pas obnubilés, comme aux Etats Unis, par l'impératif de rembourser leur prêt pour études. Moore est tellement content qu'il rencontre le président de Slovénie pour un tête à tête sans caméra.
Au Portugal, la dépénalisation de la consommation de drogue n'entraine pas un surcroit de trafic. Alors que la répression du trafic de stupéfiant sert surtout aux Etats-Unis à contrôler les noirs.
En Finlande, la justice considère que la privation de liberté est une peine suffisante sans qu’il soit besoin d’y ajouter de mauvais traitements.
En Norvège, l'emprisonnement est mis à profit pour la réinsertion. Les condamnés pour meurtre sont équipés en hachoirs... pour couper les légumes. Les gardiens s'occupent en réalisant des clips fraternels sur l'air de We are the world. Le père d'un jeune garçon tué le vendredi 22 juillet 2011 sur l'île d'Utøya par un tireur armé, n'exige pas une peine plsu lourde pour l'assassin de son fils que les 21 ans de prison décrétés par la justice de son pays.
En Tunisie, on trouve des centres du planning familial très actifs proposant contraception et avortement aux femmes qui en ont besoin. La constitution promet l’égalité des droits entre hommes et femmes. Une journaliste en appelle à la curiosité des Américains vis à vis des autres cultures.
En Islande, il est possible d’emprisonner les banquiers véreux car les femmes ont moralisé la vie publique. C'est dans ce pays qu'a été élue une femme pour la première fois à la tête d'un pays européens.
Le mur de Berlin, s'est effondré en novembre 1989. Michael Moore était présent avec un ami. Il a pu constater, qu'armé de volonté et d'un malheureux burin, un peuple pouvait retrouver sa liberté et se libérer. Le mur de rapacité, d'égoïsme, d'avidité et d'ignorance derrière lequel on enferme le peuple américain pourra aussi s'effondrer si celui-ci le désire suffisamment. Les valeurs d'éducation, de partage, d'égalité entre hommes et femmes que l'on trouve en Europe sont aussi inscrites depuis l'origine dans la constitution américaine.
La première qualité des films de Moore est l'énergie déployée pour renverser les fausses idoles, les faux discours qui masquent la réalité sociale, celle qui laisse dans la misère une part croissante de l'ex-classe moyenne américaine pendant que d'autres s'enrichissent sans vergogne se drapant avec cynisme dans les habits d'un capitalisme qu'ils ont dévoyé.
En revanche sa capacité à s'émerveiller des solutions des autres parait souvent, au premier abord, un peu niaise. Dans Sicko (2007) comme dans Where to invade next (Quel est le prochain pays à envahir), ces solutions sont toutefois entourées d'un dispositif cinématographique mettant au premier plan le rapport affectif de Moore avec ses interlocuteurs. C'est sur ce rapport affectif, d'empathie, que joue Moore bien davantage que d'espérer proposer des solutions, en général complexes, aux problèmes politiques. Il se donne pour but d'engager le combat; d'enclencher l'énergie nécessaire... Après, c'est à nous de suivre, ou pas.
Et pour cela, Moore paye de sa personne (casquette de baseball vissée sur la tête et stature massive et ventripotente avec une générosité vis à vis de valeurs auxquelles lui-même n'a pas accès). Il assume un discours optimiste à la première personne, met en contrepoint des images d'archive (violences policières aux Etas Unis), des spots d'agit-prop (le début où il est "missionné par l'état-major, l'animation sur les impôts).
Il tente aussi de donner une vision plus large aux solutions proposées en montrant qu'elles ne sont possibles qu'en se réconciliant avec son passé. Aucun traumatisme n'est irrémédiable. Puisque les Allemands se sont libérés de la période nazie par un devoir de mémoire exemplaire; puisqu'il est possible de surmonter la tuerie de 2011 en Norvège sans désir de vengeance; puisqu'un peuple décidé a fait chuter le mur de Berlin, pourquoi ne serait-il pas possible de faire s'effondrer l'hypocrisie du modèle américain actuel ?
Jean-Luc Lacuve le 17/09/2016