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A Manille, Sepa,
grand-mère de 84 ans, vient allumer une bougie sur les lieux où
vient d'être assassiné un de ses petits-fils d'un coup de couteau.
Elle est accompagnée dans ce rite funéraire d'un autre de ses
petits-fils. Elle prend ensuite le bus en arguant de sa vieillesse pour ne
payer qu'une partie d'un unique billet, son petit-fils étant sur ses
genoux.. Durant le trajet, l'une des passagères se fait voler son sac.
Le voleur est rattrapé et Sepa explique aux badauds que l'assassin
de son petit-fils s'en est pris à lui pour un téléphone
portable. Elle rejoint alors Ditas, sa fille qui a commencé à
remplir le contrat, le moins cher possible, chez l'entrepreneur de pompes
funèbres. Alors qu'elle poursuit ses petits-enfants turbulents, elle
est sonnée soudain de voir le corps reposant dans l'une des pièces
de son petit-fils assassiné. Mais Sepa trouve encore la force de porter
plainte au commissariat pour l'assassinat de celui-ci. Elle apprend alors
que l'assassin, Mateo Puring, vient d'être arrêté. Elle
attend son arrivée mais est effrayée par la violence d'un homme
qui s'en vient cogner un prisonnier, encadré par deux gendarmes, responsable
de la mort de sa femme.
Alors que Sepa effrayée rentre chez elle, arrive au commissariat, Puring, 79 ans, grand-mère de Mateo qui refuse de croire que son petit-fils est impliqué dans un meurtre. On lui conseille de revenir le lendemain. Puring rentre chez elle où Bebong, le grand frère de Mateo, rentre son étal de fruits et légumes clandestin car les pluies saisonnières sont arrivées avec leur violence habituelle. Il n'a guère envie d'accompagner le lendemain sa grand-mère au commissariat et, lassé par sa journée de travail, regarde la télévision pendant que Puring fait manger l'un de ses fils, handicapé.
Sepa dans son quartier de Malabon à 45 minutes en bus du centre ville,
inondé comme toujours lors de la saison des pluies, fait la quête
pour payer l'enterrement de son petit-fils. Elle se rend ensuite avec Ditas
pour une première audition devant le juge....
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Le film est
essentiellement contemplatif, magnifiant le parcourt de ces deux grands-mères
(sens du mot "Lola" en Tagalog, dialecte philippin) pour assumer
du lien symbolique dans une société gangrenée par la
misère et la violence urbaine. L'une a besoin d'argent pour offrir
des funérailles décentes à son petit-fils, pendant que
l'autre se bat pour faire sortir son propre petit-fils de prison. Déambulant
dans les rues de la ville, sous une pluie battante, elles luttent infatigablement
pour le salut de leur famille respective.
La construction narrative des quelques journées allant du lendemain de l'assassinat au procès en passant par l'enterrement se fait sous la forme d'une focalisation alternée sur les parcours des deux grands-mères. Les deux courages mis ainsi en parallèle, explicitent le message du film : le travail du deuil fait oublier la vengeance.
Dans ce pays où la justice permet de faire sortir un assassin contre une somme d'argent, la dignité humaine doit en effet trouver à s'incarner autrement que dans un parcours de vengeance. La justice est brutale jusque dans ses moindres détails. Sepa se trouve ainsi confrontée à des toilettes interdites et c'est en ayant fait pipi sous elle, qu'humiliée, elle entre dans le bureau du juge. Les grandes pompes de la justice ne sont pas pour elle comme l'indiquera le dernier plan : les deux couples grands-mères et petits-fils quittent apaisés le tribunal alors que passe un cortège policier, vu en plongé sous la protection d'une statue de la justice.
Il pleut sur les Philippines, il pleut crimes et injustices. En s'y accommodant courageusement et sans violence, les grands-mères préservent ce qu'elles peuvent de dignité. En espérant que des jours meilleurs arrivent avant leur mort.
Jean-Luc Lacuve le 12/5/2010.