Des photographies noir et blanc d'une ancienne plantation, ses ouvriers, ses contremaîtres, rythmées par une musique de tambour d'intensité croissante. Puis une jeune fille en patins à roulettes surgit dans la cour d'une école dans le quartier aisé de Setubal, zone sud de la ville Recife. Boulevard Biscayne, de jour, un accrochage entre deux voitures. Nuit.
1ere partie : Les chiens de garde
Au 102 Boulevard Biscayne, Beatriz Linhares ne peut dormir à cause des aboiements du chien. Elle glisse un cachet de somnifère dans de la viande et la lance au chien.
Maria, la femme de ménage, surprend João, son patron, dans les bras d'une rencontre d'un soir, Sofia, dont il semble très amoureux. Maria a emmené ses petits-enfants avec elle, ce que lui permet João avec qui elle entretient des rapports presque maternels. Seule ombre au tableau, la Uno de Sofia a été fracturée, son autoradio volé. Joao fait part à son ami Anco de ses soupçons d'un coup monté par son cousin Dinho. Anco, lui donne les clés lui permettant de faire visiter un immeuble ultra-moderne à une cliente qui renonce finalement à la louer, effrayée par le suicide de la dernière occupante.
Beatriz Linhares fait la lessive. Elle est inquiète car le chien de garde ne s'est toujours pas réveillé. Des livreurs lui apportent sa nouvelle télévision à écran plat de 40 pouces. Sa sur vient elle aussi. Bethania et son mari, Adalberto Gois, ont acheté une télé mais de 32 pouces seulement. Elle agresse sa sur. Beatriz fait ménage dans les chambres de ses deux enfants et fume du hash.
Joao et Anco discutent de leurs aventures sentimentales quand Clodoaldo Pereira dos Anjos vient leur proposer les services d'une société de sécurité privée qui surveillera le boulevard de 19h00 à 7h00.
João va voir Dinho qu'il somme de rendre l'autoradio volé à Sofia. Dinho nie mais lui fait remettre l'autoradio par sa femme de ménage à sa sortie de l'immeuble. Romuoldo le livreur d'eau amène du hash et Beatriz qui se masturbe sur sa machine à laver. La jeune Anna Lucia et son ami, deux adolescents s'embrassent.
Clodoaldo et son acolyte borgne, Fernando Gomes do Nascimento, viennent demander la permission d'exercer à Francisco, le grand-père de Joao et Dinho, riche propriétaire d'une majorité des immeubles du boulevard. Il accepte et demande à sa femme de ménage, Luciene de les raccompagner mais inquiet, il téléphone à Joao. Celui-ci fait visiter "le château de Windsor" à deux clients.
2e partie : Gardiens de nuit
A la tombé de la nuit, Clodoaldo et Fernando installent la tente qui leur sert de base pour surveiller le boulevard. C'est réunion de copropriété au luxueux immeuble "château de Windsor". A l'ordre du jour le renvoi, à la veille de la retraite du concierge qui s'endort trop souvent. Le fils d'un colocataire est fier de montrer une vidéo où il a piégé le concierge. Joao trouve inhumain ce renvoi mais n'assiste pas à la fin de la réunion car Sofia l'a appelé. Elle est venue passer la nuit avec lui. João est heureux de lui remettre l'autoradio... mais ce n'est pas le sien. Beatriz a toujours du mal à dormir. Francisco va se baigner dans la mer sans prendre garde aux avertissements sur la présence de requins. Clodoaldo provoque Dinho au téléphone mais, lorsque celui-ci rapplique, il nie l'avoir appelé.
3e partie : Gardes du corps
Joao et Sofia se rendent dans la plantation de Francisco qui les a invités et qui voudrait bien que son petit-fils se marie. Joao et Sofia visitent un vieux cinéma dans lequel résonnent encore des cris d'épouvante. Ils sont rejoints par Francesco pour une baignade dans les cascades.
Boulevard Biscayne un homme s'est perdu Clodoaldo et Fernando l'aident à retrouver la rue qui cherchait. Les enfants de Beatriz apprennent le chinois. Dans la nuit, la fille de Beatriz rêve que la maison est envahie par une horde de va-nu-pieds armés. Les prises électriques posent problème aussi bien au Windsor que chez Beatriz. Sa femme de ménage a mis hors d'état la machine à ultrason, censée faire taire les chiens. Clodoaldo accueille son frère Claudio au sein de l'équipe de sécurité. C'est la fête d'anniversaire de la nièce d'Anco. Elle a treize ans. Dans le jardin Joao et Dinho se réconcilient. Francesco interpelle Clodoaldo qu'il n'a pas réussi à joindre depuis plusieurs jours et lui donne rendez-vous chez lui.
Mais l'entretien pend un tour étrange. Francesco veut que Clodoaldo et Claudio soient ses garde du corps car il est inquiet : son contremaître, Reginaldo, est mort jeudi. Clodoaldo et Claudio veulent en savoir davantage ce qui offusque Francesco. Celui-ci ne tarde pas à comprendre qu'il est piégé. Le 27 avril 1984, alors que Clodoaldo avait six ans, Francesco a probablement fait tuer par son contremaitre les père et oncle des deux gamins, Antonio et Everaldo José do Nascimento, à cause d'une clôture. Ils sont venus pour se venger. Les pétards de la fête éclatent dans la fête... qui rendraient inaudibles des coups de feu.
Dans ces espaces cossus, ensoleillés et parfaitement calmes des maisons et immeubles qui bordent le Boulevard Biscayne de Recife, l'angoisse et la peur rôdent pourtant de manière permanente. Elles viennent des temps anciens (les images du début), de la peur quotidienne (proximité de l'humidité avec des prises électriques aux voltages inappropriés) des petites incivilités (voitures éraflées, accrochages et vitres fracturées) des cauchemars (la horde des va-nu pieds, la cacade illuminée de rouge) des actes étranges (Francesco allant se baigner de nuit dans une mer où il est indiqué de faire attention aux requins).
Kleber Mendonça Filho multiplie ainsi ces amorces angoissantes mais laisse en suspens la gravité de leurs éventuelles conséquences autour de personnages aussi aimables qu'inconsistants (Beatriz, Anco et Joao) ou plus directement inquiétants (Francesco et Clodoaldo et ses amis). Dinho, présenté comme un petit caïd psychotique, se révèle un adolescent un peu paumé mais a semé son lot d'inquiétudes. Aucun repos ne semble véritablement possible entre les sommeils troublés par les chiens, les cauchemars ou celui, empêché, du vieux concierge qu'un enfant est incité à piéger en vidéo par son père.
Plus que la musique et les pétards de la fin, c'est la géographie de Recife, ses grands immeubles en bord de mer qui encerclent l'habitat traditionnel lui-même construit sur le défrichage de la forêt qui vient renforcer le sentiment de cocote minute perte à exploser. Car s'est finalement de la forêt et du passé qu'est partie la violence que Francesco a cru conjurer en se protégeant dans ses immeubles ultra-modernes et sécurisés.
Jean-Luc Lacuve le 27/02/2014