Sur le quai du métro, Andréas observe avec dégoût deux jeunes gens s'embrassant goulûment. Il se jette sous le métro.
Andréas, barbu, se retrouve dans le désert, conduit par un bus devant une station essence désaffectée où l'on a accroché pour lui une bannière de bienvenue. On lui remet un emploi, un appartement et même une femme.
Très vite, il s'aperçoit pourtant qu'il y a quelque chose qui cloche : les choses sont sans saveur, il est impossible de se saouler et même de mourir comme il en fait l'expérience en se jetant sous un métro qui l'écrasera trois fois.
Il fait la connaissance de Hugo qui a découvert dans un mur de sa cave un trou dont s'échappent de merveilleux sons. Est-ce l'entrée vers "l'autre monde" ? Il ne peut que se saisir d'une part de gâteau. Les responsables de "la citée idéale" lui permettent de retourner dans le monde des vivants.
Jens Lien nous dévoile immédiatement son dispositif : le suicide initial, le désert qui ressemble aux limbes séparant le territoire des vivants de celui des morts, la symbolique du tunel et celui de la citée idéale aux habitants souriants et ravis ne peut que nous renvoyer aux avatars bien connus du meilleur des mondes, sorte de paradis artificiel où l'homme véritable ne peut que se sentir mal à l'aise et vouloir revenir à la vraie vie.
Norway of life se présente donc comme un mixte de Paris-Texas (l'allure de Trond Fausa Aurvaag rappelle un peu celle de Harry Dean Stanton) et des Ailes du désir avec ce même renoncement au paradis artificiel pour retrouver la saveur des choses humaines. Le cinéma de Jens Lien n'échappe d'ailleurs pas au même formalisme que celui de Wim Wenders ni à ses valeurs un peu convenues (il manque des enfants, et les sens (odeurs, saveurs, plaisir sexuel).
Moins symbolique que Wenders, Norway of life vaut par l'efficacité de son humour dans sa critique sociale : la folie douce de Anne Britt pour les cuisines et l'amanégement des pièces et, plus généralement, le goût du confort bourgeois de tous les employés qui ira jusqu'à l'acceptation du marriage par Ingeborg pour obtenir un trois pièces. Paradis artificiel finalement lassant aussi, la façon de tout accepter sans sourciller : revenant en sang de son triple suicide, Andréas accepte parce que "ce sera cool" la séance de Karting que lui propose Anne Britt pour le samedi. Point culminant de cet humour décalé : le triple suicide sanguinolant et grand guignolesque d'Andréas.
On notera aussi que le cinéma, même au paradis, est capable de provoquer larmes et émotions mais seulement chez ceux qui sont encore vivants (Andréas vs Ingeborg).
Jean-Luc Lacuve le 14/04/2007
(Den Brysomme Mannen). Avec : Trond Fausa Aurvaag (Andreas), Petronella Barker (Anne Britt), Per Schaaning (Hugo), Birgitte Larsen (Ingeborg). 1h35