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Maria

2024

Avec : Angelina Jolie (Maria Callas), Pierfrancesco Favino (Ferruccio), Alba Rohrwacher (Bruna), Haluk Bilginer (Aristotle Onassis), Kodi Smit-McPhee (Mandrax), Stephen Ashfield (Jeffrey Tate), Valeria Golino (Yakinthi Callas), Caspar Phillipson (JFK), Lydia Koniordou (Litsa Callas), Vincent Macaigne (Doctor Fontainebleau), Aggelina Papadopoulou (Maria Callas en 1940). 2h04.

16 septembre 1977. Maria Callas est retrouvée morte dans son appartement de Paris.

En montage alterné sur Angelina Jolie, filmée en noir et blanc chantant "Ave Maria" (Othello, Giuseppe Verdi) défilent de fausses archives, de faux films amateurs et faux documentaires dans lesquels elle est incrustée et qui racontent la vie de Sofia Kalogeropoulos, dite Callas. Elle naît le 2 décembre 1923 à New York et passe une enfance malheureuse dans un foyer brisé. Retour en Grèce avec sa mère et sa sœur en 1937. Premiers pas professionnels sous l’occupation italo-allemande. Retour aux États-Unis en 1945. Assomption en Italie, sous la direction du chef d’orchestre Tullio Serafin, où elle triomphe dans Les Puritains (Vincenzo Bellini) avec sa voix et sa présence, bien qu'alors un peu grosse. Une carrière exceptionnelle s’ensuit, marquée, sur le plan privé, par sa rencontre amoureuse et tourmentée avec le milliardaire Aristote Onassis qui finit par la quitter pour Jacqueline Kennedy avant de décéder en 1975. Brisée, sa voix trop tôt perdue, elle met fin à sa carrière en 1965, s’installe à Paris.

Une semaine avant son décès. Depuis maintenant plus de dix ans, Maria Callas est recluse dans son vaste appartement de l’avenue Georges Mandel, en proie à la solitude et aux pensées funèbres, veillée par son majordome, Ferruccio, et sa femme de ménage, Bruna, qui lui sont tout dévoués. Elle tente de chanter à nouveau après une pause de plusieurs années dans sa carrière d'opéra en raison de sa santé déclinante. Alors que Ferruccio insiste pour qu'elle consulte un médecin et prenne la bonne dose de médicaments, Maria continue à abuser du Mandrax, qui, selon elle, l'aide à vivre malgré ses effets secondaires, des hallucinations qui lui permettent de prolonger sa vie de diva.

Maria informe Ferruccio et Bruna qu'une équipe de télévision va arriver pour l'interviewer sur sa vie. L'équipe arrive, dirigée par le jeune journaliste Mandrax, une hallucination causée par le médicament. Ferruccio et Bruna en sont désolés comme de la voir sortie avec ce compagnon imaginaire suivi d'un cameraman tout aussi imaginaire. Maria assiste en effet au Palais-Royal, rue Saint-Honoré, à des séances privées avec le chef d'orchestre Jeffrey Tate pour savoir si elle peut à nouveau se produire.

Incitée par les "interviews" et les hallucinations de Mandrax, Maria commence à se remémorer des souvenirs de son ancienne liaison avec le magnat des affaires grec Aristote Onassis. Bien qu'elle ait d'abord décliné ses avances en 1957, elle est rapidement tombée amoureuse de lui et a quitté son mari Giovanni Battista Meneghini. Elle a fini par quitter Onassis qui voulait qu'elle arrête de chanter et ne semblait pas vouloir l'épouser tout en entretenant une relation avec Jackie Kennedy qu'il finira par épouser. Cependant, elle souffre de sa disparition et se souvient l'avoir secrètement vu sur son lit de mort où, ils se sont avoué leur amour mutuel inextinguible et la promesse de se retrouver dans l'au-delà. Mais elle avait dû sortir par une porte dérobée avant l'arrivée de Jackie Kennedy.

Maria continue d'avoir des hallucinations en raison de sa surconsommation de Mandrax. Les hallucinations lui rappellent son adolescence pendant la Seconde Guerre mondiale, forcée par sa mère à chanter, ou plus, pour des officiers italiens et allemands dans la Grèce occupée en échange d'argent. Un jour, elle rencontre sa sœur aînée Yakinthi, et elles se réconcilient sur la façon dont leur mère les traitait.

Maria accepte, contrainte par Ferruccio, d'écouter le docteur Fontainebleau, mentant sur sa consommation de drogue. Lors de leur deuxième rendez-vous, deux jours après, Fontainebleau révèle que sa santé s'est aggravée à la vue de ses analyses sanguines et de rapports médicaux remis par Ferruccio. Il lui affirme qu'elle ne pourra plus chanter, sa voix et son cœur étant trop fragile. Il l'invite à renoncer à la musique et à profiter de la vie. Maria se rend à une dernière séance avec Tate, apportant un enregistreur audio pour entendre sa voix. A son grand désespoir, elle constate que sa voix de chanteuse a décliné, incapable d'égaler sa voix au sommet de sa carrière. Un journaliste du Figaro révèle avoir espionné la séance et l'interroge grossièrement sur sa carrière avant que Ferruccio ne le repousse.

Maria exprime sa gratitude à Ferruccio et Bruna pour avoir été à ses côtés au fil des ans. Le lendemain matin, alors que Ferruccio et Bruna sont sortis faire les courses, Maria chante triomphalement une dernière fois dans son appartement : "Vissi d'arte" (Tosca, Giacomo Puccini), laissant ses fenêtres ouvertes, et imaginant que tous l'écoutent. Ferruccio et Bruna arrivent à l'intérieur de l'appartement et découvrent Maria morte sur le sol. Ferruccio appelle Fontainebleau, signalant sa mort, avant que les autorités n'arrivent dans la soirée pour emporter son corps.

Images d'archives ; "Why I Snort Cocaine" (Giati Foumaro Kokaini). Générique : "An Ending (Ascent)" (Brian Eno); "Va pensiero" (Nabucco, Giuseppe Verdi).

Le récit se concentre sur un nombre réduit de jours, pour créer un espace de souvenirs sous une forme partiale, fragmentaire qui reflète le désordre et le désarroi de Maria Callas. Cette forme baroque est revendiquée aussi avec les deux affiches de films entraperçues : Providence (Alain Resnais, 1977) et Cet obscur objets du désir (Luis Bunuel,1977).

La référence à ces deux films surréalistes renvoie aussi au thème du double, celui d'Angelina Jolie, devenant Maria Callas. Pour cela sont mixés au debut en montage alterné Angelina Jolie, filmée en noir et blanc chantant "Ave Maria" (Othello, Giuseppe Verdi) alors que défilent de fausses archives, de faux films amateurs et faux documentaires dans lesquels elle est incrustée et qui racontent la vie de la Callas. Le générique final donnera plus conventionnellement dans un biopic de vraies images d'archives. Mais durant tout le film, c'est l'artifice, le faux qui sont revendiqués en adéquation avec le mode de vie que s'est choisi la Callas.

Angelina chante et de tout son corps. Elle a pris des cours pendant sept mois, d’abord de maintien, de souffle, d’italien, et petit à petit elle a appris chaque aria – elle en chante six dans le film dans lequel on entend: "Ave Maria" (Otello, Giuseppe Verdi); "Qui la Voce Sua Soave" (I Puritani, act 2, Vincenzo Bellini) ; "Casta Diva" (Norma, Vincenzo Bellini) ;"Sempre Libera" (La Traviata, Giuseppe Verdi); "O Mio Babbino Caro" (Gianni Schicchi, Giacomo Puccini)," L'Amour Est un Oiseau Rebelle (Habanera)"(Carmen, Georges Bizet);"Happy Birthday Mr. President" (Marilyn Monroe) ; "Ebben? Ne Andrò Lontana" (La Wally, Alfredo Catalani) ; "Piangete Voi?... Al Dolce Guidami Castel Natio" (Anna Bolena, Gaetano Donizetti) ;"E Che? Io Son Medea!" (Medea, Luigi Cherubini) ; "Vissi D'Arte" (Tosca, Giacomo Puccini).

Son chant, plus tous les bruits de bouche et de respiration, ont été mixés avec la voix de La Callas. Dans tout ce qu’on entend, il y a un morceau d’Angelina sans recours à l’IA ou a un logiciel sophistiqué. C’est juste du mixage à l’ancienne, où l’on combine deux sources sonores, celles de Callas et de Jolie, indiscernablement mêlées.

C’est peu dire que le mixage est la forme qui non seulement domine le film, mais nomme, plus essentiellement, son ambition, sa vérité. Tout, ici, s’entrechoque, pour mieux s’harmoniser dans une sorte de religion sophistiquée de l’artifice et du baroque. Les décors – travail somptueux en studio, extérieurs parisiens authentiques ou tournés si besoin à Budapest.

Jean-Luc Lacuve, le 15 février 2025.

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