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New York, fin des
années 80. Bobby est le jeune patron d'une boite de nuit disco appartenant
à Marat Buzhayev, un américain d'origine russe. Avec l'explosion
du trafic de drogue, la mafia russe étend son influence sur le monde
de la nuit. Pour continuer son ascension, Bobby doit cacher ses liens avec
sa famille. Seule sa petite amie, Amada est au courant : son frère,
Joseph, et son père, Burt, sont des membres éminents de la police
new-yorkaise.
Burt essaie de convaincre son fils de les aider à piéger Vadim car, lui dit-il, chaque jour, l'affrontement entre la mafia russe et la police devient de plus en plus violent. Bobby refuse d'être un indicateur. Son frère Joseph mène une descente dans la boîte de Bobby, et ne peut empêcher le suicide d'un acolyte de Vadim. En représailles, Joseph reçoit une balle dans la tête dont il réchappe par miracle.
Bobby apprend
bientôt par Vadim que son père sera la prochaine victime de la
mafia. Il accepte alors la proposition du capitaine Shapiro et tente de piéger
Vadim lors d'une transaction de drogue. Muni d'un micro caché dans
un briquet, il respire trop fort et ne doit qu'à l'intervention musclée
de la police de rester en vie. Vadim est arrêté mais sait désormais
que Bobby est un mouchard et le fils de Burt. Bobby doit être protégé
jusqu'au procès de Vadim. Hélas, le jour du procès, Vadim
s'échappe et Bobby doit changer d'hôtel sous la protection des
forces de l'ordre dirigées par son père. Sous une pluie battante,
les voitures des policiers sont prises en chasse par les gangsters et le père
de Bobby et Joseph est abattu.
Bobby n'a plus d'autre solution que de rentrer dans la police pour tenter de piéger Vadim. Il comprend que Marat Buzhayev utilise les cours de chevaux de ses petites-filles pour faire rentrer de la drogue cachée dans des manteaux. Le piège est tendu. Joseph exécute Vadim. Il reçoit une promotion et, nommé capitaine, il échange une déclaration d'amour fraternelle avec Bobby alors qu'Amanda lui fait signe dans la salle.
L'opposition
qui amorce le film entre la fête dans la boite disco de Bobby et celle
des policiers venus honorer Joseph pour sa promotion laisse espérer
une vraie confrontation entre deux frères, deux mondes et deux choix
de vie qui relèverait du plaisir ou de la responsabilité. Avec
la séquence de discussion dans l'église, au-dessus de la fête
des policiers, on entrevoit même ce qui décrivait si fortement
Coppola : comment le décor de la religion peut rendre légendaire
de triviaux règlements de compte.
Mais des trois forces en présence, James Gray n'en suit bientôt plus qu'une : celle qui dévitalise Bobby de sa force de vie pour le ranger, de plus en plus exsangue, du côté de l'ordre et de la mort. Bobby n'est pas un super héros. Juste un homme audacieux en affaire, avisé, et jouisseur. Hors de sa sphère de compétence et de plaisir (les femmes, la musique, la drogue et le poker), il va rater tout ce qu'il entreprend : il respire trop fort pour piéger Vadim incognito et ne peut empêcher Amanda et son copain Jumbo de trop parler, ce qui conduira à la mort de son père.
La tragédie annoncée n'oppose ainsi pas deux mondes mais dépouille de son énergie et de son être le seul Bobby. C'est ce dont rendent compte le visage de Bobby de plus en plus lourd, défait et exsangue et la scène de poursuite sous la pluie où il ne voit rien et ne peut empêcher la mort de son père. Le ralenti sur son visage baigné de pluie lorsque son père s'écroule l'allège encore un peu plus du peu d'âme et d'énergie qu'il conservait.
Lors du règlement de compte final, la fumée symbolise aussi probablement le no mans'land moral dans lequel il s'enfonce. Il ne pourra désormais même plus compter sur l'aide se son frère, traumatisé par la balle reçue et qui finira sa carrière dans les bureaux.
Le titre du film, La nuit nous appartient (We own the night), devise de l'unité criminelle de la police de New York chargée des crimes sur la voie publique est probablement ironique. Bobby pénétrait chargé d'énergie et d'ironie dans la première cérémonie organisée par la police. Il est désormais coincé sur une chaise ânonnant des mots convenus ; phrases solennelles dans une atmosphère solennelle. Le petit geste de la main d'Amanda est bien dérisoire face au plaisir qu'elle incarnait dans la scène initiale.
Sans doute est-il possible de voir dans ce parcours celui de James Gray qui réalise là un film mineur, moins une tragédie qu'un processus de dévitalisation qu'il camoufle en film d'action pour revenir en grâce à Hollywood après l'échec public de The yards.
Jean-Luc Lacuve le 16/12/2007