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La bataille pour Anzio

1968

(Lo Sbarco di Anzio). D'après Anzio de Wynford Waugham Thomas. Coréalisé avec Duilio Coletti. Avec : Robert Mitchum (Dick Ennis, le correspondant de guerre), Peter Falk (Cpl. Jack Rabinoff), Robert Ryan (Général Carson), Earl Holliman (Sgt. Abe Stimmler), Mark Damon (Wally Richardson), Arthur Kennedy (Maj. Gen. Jack Lesley). 1h57.

Fin janvier 1944, le caporal Dick Ennis, correspondant de guerre américain à Naples, part couvrir le débarquement anglo-américain d’Anzio en Italie, opération qui a pour double but de déborder la ligne Gustav (devant laquelle les Alliés piétinent depuis plusieurs mois) et de permettre l’occupation des monts Albains, hauteurs stratégiques au sud de Rome.

À la grande surprise des attaquants, la plage, ses environs et l’arrière-pays se révèlent totalement déserts. Au volant d'une jeep Dick Ennis escorté du sergent Stimmler et du caporal Rabinoff effectue même une reconnaissance sans embûches dans Rome quasiment abandonnée par les forces allemandes et revient en informer dans son QG d’Anzio le général Lesley, commandant en chef de la tête de pont. Mais celui-ci se montre excessivement prudent : échaudé par le souvenir du débarquement très coûteux de l'été 1943 à Salerne en Sicile, il pense que l’aspect désert du terrain dissimule un piège et ne s’occupe que de consolider la tête de pont dans l’attente de la contre-attaque allemande qu’il juge inévitable.

Du côté allemand, le débarquement d’Anzio occasionne d’abord des sueurs froides au Feldmarschall Kesselring, commandant suprême des forces du Reich en Italie, car la zone menacée est effectivement dépourvue de troupes allemandes. Puis se rendant compte de l’immobilisme des Alliés, il ordonne à plusieurs de ses divisions de se porter en hâte autour des positions alliées. Kesselring ordonne également la mobilisation des Italiens en âge de travailler à l’édification d’une ligne de défense fortifiée et inexpugnable qu’il baptise ligne César. Il s’inquiète cependant du jeune âge de ses soldats et de la pénurie d’essence qui frappe alors ses armées.

Un peu plus tard Dick Ennis se prépare à marcher de nuit avec le 2e Bataillon de Rangers jusqu’à la localité de Cisterna qui est considéré comme le point faible du dispositif de défense ennemi et dont il faut s'emparer. Le bataillon arrive au matin dans un défilé où des unités allemandes dissimulées dans le paysage (des tanks et des mitrailleuses) le prennent au piège et le massacrent. Ennis transmet par radio la nouvelle du désastre à Lesley toujours sur la tête de pont, le qualifiant de nouvel échec coûteux de jugement de la part des hauts gradés. Sur les 767 hommes du bataillon, seulement 7 en réchappent dont Dick Ennis, le sergent Stimmler et le caporal Rabinoff. Ces hommes tentent alors de revenir vers la plage d’Anzio. Pourchassés par un char lance-flammes, ils traversent un champ de mines et découvrent à la nuit tombée les travaux de construction de la ligne César, reconnaissant parmi les travailleurs forcés italiens un civil rencontré précédemment à Rome.

Les hommes se réfugient dans une maison occupée par trois femmes italiennes. Ennis demande ce qui pousse un être humain à tuer volontairement un autre être humain. Le caporal Jack Rabinoff répond qu'il adore ça et que le combat et la guerre lui permettent de vivre plus intensément qu'il ne le pourrait autrement. Une patrouille allemande arrive à la maison et est massacrée par les Américains.

Après avoir presque atteint les lignes amies, la plupart des hommes, y compris Rabinoff, sont tués lors d'une fusillade avec un groupe de tireurs d'élite allemands. C'est au cours de cette fusillade qu'Ennis est finalement contraint de tuer l'un des Allemands avec le fusil de Rabinoff. Seuls Ennis, le sergent Stimmler et le soldat Movie parviennent à revenir et à fournir des renseignements sur la nouvelle ligne de défense allemande.

Ennis apprend que le général Lesley, trop prudent, a été relevé du commandement des forces alliées à Anzio. Grâce aux informations fournies par Ennis sur les lignes ennemies, la tête de pont d'Anzio est brisée et le général Carson et la cinquième armée se précipitent vers Rome. Ils entrent dans la Ville Éternelle et assistent à un défilé de victoire enthousiaste.

C'est l'une des batailles les plus dures de la Seconde Guerre Mondiale mais elle n'intervient qu'à la toute fin du film lorsque les Alliés font reculer les lignes allemandes arrêtées à Anzio. Le film comporte ainsi peu de scènes spectaculaires. Le suspens n'intervient que dans deux séquences : celle où les soldats, pourchassés par un char lance-flammes, doivent traverser un champ de mines en utilisant des pierres abandonnées ; celle où ils sont sous le feu des snipers. 

En prenant un journaliste de guerre comme personnage principal, Dick Ennis, interprété par Robert Mitchum, le récit adopte un point de vue original, qui sort des sentiers battus, avec un homme qui observe ses camarades sur le front, tout en étant conscient que les cafouillages et mauvaises décisions arrêtées par les hauts gradés et les dirigeants de leurs pays respectifs.

Mitchum partage l’affiche avec Peter Falk, qui allait profiter de son séjour en Italie pour y tourner Les intouchables (Giuliano Montaldo, 1969) où il allait rencontrer un certain John Cassavetes.

L’un des enjeux de l'histoire est la compréhension des raisons profondes qui poussent les hommes à se faire la guerre. Le caporal Dick Ennis est en effet un vétéran de plusieurs campagnes alliées et il ne se décide pas à raccrocher. Il trouve dans le caporal Rabinoff un alter ego, car celui-ci conserve dans le corps les éclats et les séquelles d’une grenade japonaise et voit dans la guerre une façon de vivre la vie plus intensément que les hommes ordinaires. C'est à peu de chose près le discours que Ennis délivre au général Jack Lesley avant l'attaque et le défilé final : les hommes ne se font pas la guerre dans des buts nobles mais parce qu'ils aiment cela. Ils aiment le sentiment puissant de mettre sa vie en danger tout autant que le goût de tuer. Le savoir permettrait peut-être d'éviter la guerre. Discours non seulement contestable mais surtout simpliste et bien faible pour obtenir un monde plus pacifique.

Jean-Luc Lacuve, le 4 février 2024 

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