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Une bataille après l'autre

2025

Genre : Film noir

(One Battle After Another). Avec : Leonardo DiCaprio (Bob Ferguson), Benicio Del Toro (Sensei Sergio), Teyana Taylor (Perfidia Beverly Hills), Sean Penn (Steven J. Lockjaw), Regina Hall (Deandra), Shayna McHayle (Junglepussy), Chase Infiniti (Willa Ferguson), Alana Haim (Mae West), D.W. Moffett (Bill Desmond), Paul Grimstad (Howard Sommerville). 2h42.

A la frontière du Mexique, un groupe antifasciste sous la direction de la militante noire, Perfidia Beverly Hills, se prépare à prendre le contrôle d'un centre de rétention de migrants. Bob Ferguson, spécialiste des explosifs, plus amoureux de Perfida que révolutionnaire, est chargé par elle de transformer cette action en spectacle en illuminant la nuit de fusées lumineuses et autres fumigènes. Perfida, pasionaria résolue à faire tomber le patriarcat blanc, humilie le chef du camp, le colonel Steven J. Lockjaw : militaire rigide,il est forcé à une érection tout en restant attaché puis à voir s'enfuir dans un camion plus d'une centaine de migrants. Après ce coup d'éclat, les "French 75" font exploser de nuit les bâtiments d'une banque puis une autre. Dans celle-ci toutefois, Perfida est repérée par Lockjaw qui, obsédé par ses fesses, est prêt à la laisser mener à bien son attentat contre un rendez-vous dans une chambre d'hôtel où il se laisse dominer par Perfida.

Perfida est enceinte ce qui réjouit Bob, heureux d'être père et souhaitant désormais mener une vie de famille auprès de celles qu'il aime. Mais Perfida ne l'entend pas ainsi, se rapprochant de sa compagne d'armes Junglepussy alors que Bob exprime sa frustration auprès de Deandra.

Une autre action d'éclat est menée par Junglepussy dans une banque afin de la dévaliser. C'est un échec : Perfida est obligée de tuer un gardien noir qui refusait obstinément de lâcher son arme. Si la moitié de l'équipe dont Bob Ferguson parvient à s'échapper, Perfida est arrêtée. En prison, elle supplie Lockjaw de lui épargner un emprisonnement à vie et dénonce ses compagnons d'armes. Déclarée morte, elle est protégée par le FBI dans une maison anonyme loin du lieu de ses exactions. Si certains militants sont arrêtés, la majorité parvient toutefois à fuir, protégée par un réseau sophistiqué de mots de passe et de traceurs 1G. Perfida rompt sèchement avec Lockjaw et, experte en camouflage, parvient à disparaître dans la nature.

Seize ans plus tard, les "French 75" sont oubliés. Bob, sous une identité d’emprunt, élève seul sa fille Willa, bien plus responsable que lui, confiné dans l'alcool et la marijuana. Lockjaw est contacté par un groupe de suprématistes blancs ultrariches, "Les aventuriers de Noël" pour les rejoindre une fois qu'il aura passé tous les contrôles assurant qu'il est de race pur n'ayant jamais été en contact physique avec des noirs.  Lockjaw va ainsi devoir effacer toute trace de son passé avec Perfida...

Après le très libéral Licorice Pizza à la gloire de l'esprit d'entreprise situé dans les années 70, Paul Thomas Anderson fait le constat d'une Amérique contemporaine grotesquement trumpiste (pléonasme) où l'opposition tient davantage aux soutien aux travailleurs migrants qu'à la résurgence d'une extrême gauche aujourd'hui en robe de chambre. Comme Willa s'apprête à le faire lors de la séquence finale, il faut continuer de manifester et mener une bataille après l'autre. Ce happy-end, alourdi par la lettre on ne peut plus convenu de la mère disparue, est toutefois le bien maigre espoir d'une mobilisation de la jeunesse.

Paul Thomas Anderson transpose ainsi dans l'Amérique d'aujourd'hui le quatrième roman de Thomas Pynchon, Vineland, publié aux États-Unis en 1990. Le roman se déroule principalement en Californie dans les années 1980 et les années 1960 et oppose un agent du FBI, impliqué dans le projet de destruction de l'ultra-gauche et une cinéaste radicale, experte en arts martiaux. Leur relation illustre, avec un humour non dénué de mélancolie, l’opposition entre résistance et réaction, qui, de l’ébullition sociale des années 1960 à la répression sous Nixon, traverse cette période de l’histoire américaine.

Paul Thomas Anderson se rapproche de la hargne de Tarantino (discussions sur le mot de passe, déchaînement de moments d'action violente) avec des méchants aux frontières au réalisme, tel le clan des suprématistes, plus terrifiant que le groupe d’officiers de police qui avaient décidé de faire justice eux-mêmes dans Magnum Force (Ted Post, 1973).

Jean-Luc Lacuve, le 29 septembre 2025

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