Coney Island, péninsule située à l'extrême sud de Brooklyn est, dans les années 1950, le paradis déclinant de l’attraction foraine américaine. Mickey, séduisant maître-nageur, explique qu'il étudie l'art dramatique et que l'histoire qu'il va nous raconter est pleine des hauts et des bas du romanesque.
Tout commence quand Carolina débarque une valise à la main aux pieds de la grande roue pour rejoindre l'appartement de son père qu'elle n'a pas vu depuis cinq ans. Mais nécessité fait loi. Carolina est en effet poursuivie par des gangsters pour avoir témoigné contre son mari, Frank, leur chef, qu'elle avait épousé sur un coup de tête. C'est ce qu'elle explique à Ginny, serveuse dans un bar et nouvelle compagne de son père. Carolina la suit dans son pauvre appartement au-dessus des manèges où Ginny se plaint du vacarme et des néons clignotant en permanence.
Comme Ginny et Carolina le redoutent, Humpty est furieux du retour de sa fille qui lui a gâché la vie. Il avait tout fait pour elle et son mariage avec un gangster lui a brisé le cœur. Ginny refuse de servir à boire à son mari qui se soigne de son alcoolisme. Il finit par s'adoucir et être content du retour de sa fille. Celle-ci promet de s'amender et de suivre des cours du soir pour éviter d'être serveuse, place que Ginny lui a trouvé là où elle est employée.
Ginny, actrice ratée a bien du souci avec Richie, son garçonnet délaissé et pyromane. Elle ne supporte plus guère son mari, quinqua bedonnant qui tient un manège et dont la distraction consiste à aller à la pêche avec ses copains. Elle refuse de l'y suivre d'autant plus que, récemment, sa vie été bouleversée par sa rencontre avec Mickey, sensible à son charme de belle femme cabossée par la vie.
Les jours de pluie, qu'il na pas à surveiller la plage, ils se retrouvent sous le ponton ou dans son appartement de Greenwich village pour faire l'amour.
Des gangsters viennent enquêter à Coney Island mais Humpty, affirmant sa brouille définitive avec sa fille parvient à les éloigner. Carolina rencontre alors Mickey qui lui offre l'essai d'Ernest Jones, Hamlet et Œdipe, interprétation psychanalytique d'Hamlet. Mickey a beau s'en défendre, il tombe amoureux de Carolina qui s'est immédiatement épris de lui. Il refuse ainsi refuse le cadeau d'anniversaire de Ginny, une montre de 500 dollars, acquise avec l'argent volé à son mari.
Ginny sent de nouveau sa vie lui échapper, contrainte de fêter son anniversaire avec des amis qui l'indiffèrent. Elle ploie davantage encore sous la jalousie quand Carolina, ignorant ses relations avec Mickey, lui annonce qu'elle va le retrouver dans une pizzeria où elle est certaine d'entendre sa déclaration d'amour. Ginny va néanmoins courageusement travailler dans son établissement quand elle voit sortir les deux gangsters à la recherche de Carolina. Sa patronne ayant donné l'adresse de la pizzeria où se retrouvent Mickey et Carolina, Ginny se précipite sur le téléphone pour avertir Carolina. Comme le patron de la pizzeria lui fait répéter le nom de celle qu'elle doit prévenir, Ginny, épuisée et jalouse, est tentée de raccrocher... ce qu'elle ait.
Au sortir de la pizzeria où Carolina et Mickey se sont avouer leur amour; celui-ci laisse s'éloigner celle là; chacun rêvant de l'autre. c'est alors que les gangsters suivent Caroni enfonçant à pied dans une rue déserte.
Le matin, Humpty, inquiet du non retour de sa fille la veille, vient interroger Mickey. Celui-ci, d'abord sur la défensive, s'inquiet à son tour. C'est furieux qu'il débarque chez Ginny, déjà ivre le matin et ayant revêtue ses anciens habits d'actrice. Mickey, qui s'est informé chez la patronne de Ginny puis à la pizzeria, a reconstitué le parcours de Ginny. Celle-ci nie sans convaincre. Mickey la quitte définitivement.
Humpty, rentre le soir désespéré d'avoir perdu sa fille et de voir sa femme saoule. Il luidemande si elle viendra le lendemain avec ses copains à la pêche; elle refuse. Richie, toujours solitaire, allume un nouveau feu.
Woody Allen n'est ni misogyne ni misanthrope, bien au contraire. Il fait vibrer chacun de ses personnages de tous les désirs qui les animent. Ses mauvais films sont ceux où ces désirs, s'enchainent de façon trop mécanique pour ne dresser que le portrait de pantins plus ou moins sympathiques. Ses meilleurs, et celui-ci en fait partie, sont ceux où l'intrigue est réduite au minimum. Et si la fin est tragique, ce n'est par une une faute délibérée de Ginny mais simplement parce que la vie ne récompense pas les efforts des plus sincères et laisse souvent triompher les plus cyniques ou, simplement, les mieux armés dans la vie.
Ginny a pu profiter de l'amour de Mickey. Elle s'y est investie sans pressentir que la roue allait un jour ou l'autre tourner pour elle. La malchance met sa belle-fille sur sa route. Elle commet une faute irréparable en ne la prévenant pas du danger mortel qui la menace. C'est pourtant épuisée et désespérée qu'elle commet par procuration ce meurtre sans préméditation qui la perdra plus surement que si elle avait maintenue sa ligne de conduite jusqu'au bout. Ce sont parfois les plus faibles qui commettent les fautes qui les enfoncent encore davantage. Plus rien ne viendra sauver Ginny.
Les tons chauds, jaune, orange et rouge sont souvent associés à Ginny alors que Carolina, plus jeune et plus souvent filmée en extérieur, bénéficie d'une gamme de bleu clair.
Jean-Luc Lacuve, le 25 février 2018