L'adoration des mages est un tableau inachevé de Léonard de Vinci constitué de dix planches encollées à la verticale, renforcées par deux traverses de bois
Léonard de Vinci reçoit en 1480, des moines du couvent de San Donato à Scopeto, la commande dune Adoration des Mages. Cest sa première grande commande, et tout laisse à croire quil lobtient par lintermédiaire de son père, ser Piero da Vinci, qui était leur notaire depuis 1476.
Les archives dÉtat de Florence conservent
le contrat très précis qui lie les deux parties. Le tableau
doit être livré en 24 mois ou au maximum en 30 mois. En
outre, le peintre doit fournir la somme de 150 florins pour la dot de
la fille dun certain Salvestro di Giovanni. Couleurs, or et autres
dépenses sont à sa charge. Si ces conditions sont remplies,
il recevra 300 florins et le tiers dun terrain situé dans
le val dElsa. On ignore les raisons exactes pour lesquelles le
tableau nest pas terminé, mais en 1482, Léonard
quitte Florence pour Milan, le laissant inachevé. En 1496, les
moines doivent se résoudre à commander une nouvelle Adoration
à Filippino Lippi, qui reprend dailleurs en partie le mouvement
de la composition de Léonard (on peut la voir de nos jours à
la Galerie des Offices de Florence).
La Vierge est adossée au rocher (et non assise sur un trône
comme dordinaire). Elle reçoit dun des Mages (inspiré
dune fresque de Gentile da Fabriano, à Santa Trinita de
Florence) un présent, sans doute lencens puisque (selon
linterprétation de Frank Zöllner) Joseph, identifié
au personnage accroupi derrière elle, tiendrait dans sa main
droite une coupe doffrande contenant lautre cadeau : lor.
Les trois Mages, Balthasar, Melchior et Caspar se prosternent devant
la Vierge et lEnfant Jésus. Deux arbres barrent le centre
du tableau et délimitent le passage entre le premier plan et
le fond où deux éléments ont toujours attiré
lattention : lescalier et la cavalcade de chevaux. Lescalier
a été interprété soit comme une ruine, celle
du Palais du Roi David, considéré comme le précurseur
du Christ dans lAncien Testament, soit au contraire comme un édifice
en construction afin dapercevoir la comète annonçant
la Naissance du Christ (à ce moment-là, le tableau ferait
coexister deux moments éloignés dans le temps l'un de
l'autre).
Daniel Arasse voit dans le tableau de Léonard une réponse
à l'Adoration des Mages de Botticelli où la Vierge est
déjà figurée au centre de la composition. Mais
Léonard aurait abaissé le groupe de la Vierge et des Rois
Mages, pour donner un rôle majeur au fond, en particulier à
la bataille entre Cavaliers, symbole de la bestializza piazza , «
folie très bestiale, qui, dans le combat, assimile lhomme
à la bête ». Ce combat a donné lieu à
dautres interprétations : Pour Charles Sterling, il évoquerait
linimité entre les trois Mages venus de pays différents.
Pour Andrea Natali, il signifierait la défaite de lignorance,
du mal et de la violence, selon la doctrine augustinienne des moines
de San Donato.
Jusque là, lusage était de traiter le sujet en peignant
un long cortège qui cheminait jusquà létable
où venait de naître lEnfant Jésus. Léonard
rompt avec ces canons en plaçant son Adoration des Mages au milieu
dun théâtre à ciel ouvert, mais où
le mouvement de la composition nous ramène toujours vers le centre
du tableau, avec la Vierge et les Rois Mages.
La force dexpression des personnages est remarquable. Léonard
met en application ce quil écrivait dans le Trattatto della
Pittura quil projetait décrire : « Les mains
et les bras dans toutes les opérations doivent révéler,
autant que possible, lintention du personnage, car lesprit
frappé ainsi dune affection, recourt à eux pour
traduire de ses mains ce qui loccupe ».
On a vu le tableau comme une préfiguration des futurs thèmes
de Léonard. Les chevaux annonçant la bataille dAnghiari,
la Vierge, la Vierge aux Rochers, et le personnage levant lindex
vers le ciel contre le plus grand des deux arbres (un laurier), les
deux Saint Jean-Baptiste du Louvre.
Bibliographie :