La jeune fille, à droite, dont la chevelure blonde entrelacée de perles et de tresses évoque la parure de la femme vénitienne du XVIe siècle, s'agenouille et reçoit des mains de l'Enfant une corbeille de roses et de pommes, fleurs et fruits du Paradis, attribut de sainte Dorothée. Popularisée au XIIIe siècle par la Légende Dorée, Dorothée ("don de Dieu" en grec), fille d'un sénateur de Cappadoce, serait née à Césarée et aurait été décapitée sous Dioclétien en 304 pour sa foi chrétienne ; sur le chemin du supplice, rencontrant le scribe Théophile qui lui demandait ironiquement de lui envoyer du Paradis des fleurs et des fruits, elle le lui promit ; au moment de mourir, elle reçut de l'Enfant Jésus cette corbeille qu'elle fit apporter à l'incrédule Théophile qui se convertit ; elle est la patronne des jardiniers et des fleuristes.
La treille et les raisins symbolisent classiquement le vin de l'Eucharistie mais forment aussi un motif illusionniste, vu à contre-jour, laissant supposer que cette composition pourrait s'insérer dans un décor fixe à motif végétal. La structure plafonnante et le jeu des diagonales - Saint Joseph et la Vierge penchés en avant -, font imaginer que l'oeuvre était destinée à être accrochée en hauteur. Ces deux dernières remarques permettent de rapprocher notre uvre des premières commandes de Véronèse à Venise (1553-1557), notamment celles des plafonds de l'église San Sebastiano, insérées dans un décor de festons de fruits.
À cette période, Véronèse s'éloigne de la peinture tonale pour privilégier les effets de perspective et les contrastes de couleurs claires, étalées en larges surfaces, selon un rythme ample. Cette nouvelle manière, qu'il amplifiera dans de vastes scénographies tout au long de sa carrière, est déjà annoncée dans notre tableau.