Fin 1935, café Les Deux Magots à Paris : Paul Eluard présente à Picasso Henriette Theodora Markovitch, alias Dora Maar. Cette proche du groupe surréaliste, photographe de profession, a participé quelques semaines plutôt à la fondation de l’Union de lutte des intellectuels révolutionnaires Contre-attaque qu’ont rejointe André Breton et Georges Bataille, avec lequel Dora Maar avait eu une liaison. Une forte personnalité «encline», d’après Brassaï, «aux orages et aux éclats», mais aussi une femme «bien racée, une qui n’a pas froid aux yeux» selon des propos rapportés de Picasso. Dora Maar accompagna Picasso dans la résistance aux fascismes et les années de guerre. Elle photographia les divers étapes de la création de Guernica en mai-juin 1937 dans l’atelier des Grands-Augustins. Elle prêta aussi son visage à une abondante série de portraits, dont celui de 1937 qui nous montre une beauté en majesté, exception à la règle qui fit de Dora Maar la «femme qui pleure» dans l’œuvre de Picasso.
Accoudée au fauteuil dans lequel elle est assise, Dora Maar tient une pose classique, équilibrée par la position de ses mains. Leurs ongles rouges, comme de véritables feux de position, ponctuent l’espace qui vibre à l’unisson de la peinture polychrome. Les coloris sont somptueux. Le rouge et le noir, couleurs de la mort de la passion, habillent le corps de Dora Maar et rehaussent l’éclatante palette jaune, bleue et rose de son visage, traité en relief par un jeu de facettes lumineuses. L’espace de la pièce est contraint et ses rayures multicolores concentrent la perspective sur le personnage.
1er octobre 1937 Paris Huile et pastel sur toile 55 x 45,5 cm
23 novembre 1937 Paris Huile sur toile 55,3 x 46,3 cm