Ce peintre est originaire d'Utrecht, enclave catholique dans une nation calviniste; c'est ce qui lui permet de faire le voyage d'Italie vers 1620. Il y connaît une certaine notoriété, mais rentrant à Utrecht, il travaille dans l'atelier paternel et nous n'avons donc que peu de tableaux signés de lui. Il meurt de la peste en 1634.
Moreelse utilise des coloris froids comme le vert, le gris, le blanc.
Les représentations de Marie-Madeleine dans l'histoire de l'art
se divisent en deux groupes. il y a d'une part la pénitente proche
de la consomption, décharnée, comme celle de Donatello,
qui est toute entière détachée des biens de ce
monde. Il y a aussi la pénitente dont on voit l'épaule
nue, le sein, la belle chevelure au roux vénitien, qui est saisie
au moment même de sa conversion, en train de se détacher
de la chair, chair encore étincelante.
La Marie-Madeleine de Moreelse conserve quelques signes
de séduction. Elle a gardé le rouge aux joues et aux lèvres.
Son torse, nu, même s'il n'est pas provocateur, rend magnifiquement
présent le corps féminin: la lumière rend la chair
rayonnante. Son regard et ses sourcils froncés manifestent une
émotion, difficile à déterminer : regarde-t-elle
le crucifix avec compassion ? Ou bien est-elle surprise par les anges
qui viennent lui faire entendre leur concert ? Ou bien a-t-elle peine
à se détacher du monde: est-elle harcelée par des
fantasmes ?
Mais elle reste avant tout une pénitente. Les couleurs froides et sombres correspondent au contexte austère de la méditation. Aucun fond ne se distingue, nous sommes donc hors du monde, comme dans le désert. Le livre sur lequel elle est accoudée qui peut être le livre des Ecritures Saintes ou un livre d'exercices spirituels, la sépare mais en même temps la relie à la tête de mort, ce qui la conduit à se détacher des vanités et à se tourner vers Dieu. Cette tête de mort, si on n'en voit pas les détails comme les trous des yeux et la bouche, conserve un grand impact dans le tableau parce que le crâne ras bénéficie du même éclairage oblique que Marie-Madeleine. Elle n'est ornée d'aucune parure, mais d'un simple tissu, noir qui plus est, qui cache son corps et signale qu'elle se retire du monde. Ses cheveux ne sont pas d'un blond vénitien puisque nous sommes à Utrecht, mais surtout si les cheveux sont présents, ils sont à peine visibles, rejetés hors de l'oblique gauche du triangle dans lequel s'inscrit le buste de Marie-Madeleine. Et ceux qui encadrent son front semblent coupés grossièrement, comme par un acte de contrition.