Oeuvre tardive de l'artiste, vers 1490, avec d'évidents motifs décoratifs de la Renaissance italienne (arcade à guirlandes et putti). Cette arcade est pensée comme un arc de triomphe pour le Christ vainqueur de la mort. Efficace unification conférée par le paysage continu du fond.
Dans les Flandres, la forme traditionelle du retable d’autel était, au XVe siècle, le triptyque. En Italie, celle-ci était déjà répandue, depuis le siècle précédent, essentiellement pour des œuvres transportables destinées à un usage domestique. Ces petites structures sont à mettre en rapport avec la multiplication, à la fin du Moyen Age, des privilèges pontificaux qui permettaient à des particuliers fortunés de disposer d’autels portatifs et ainsi de célébrer l’eucharistie chez eux ou pendant leurs déplacements.
Un exemple précoce et célèbre de ces œuvres, conservé au Louvre, est Le Triptyque Braque de Van der Weyden. Le musée possède, parmi ses collections exceptionellement riches en œuvres de Memling, hormis Le Triptyque de la Résurrection présenté ici, deux autres exemples d’œuvres religieuses à usage privé comportant plusieurs volets : Le Triptyque du Repos pendant la Fuite en Egypte et Le Diptyque de Jan du Cellier. A ces derniers on peut ajouter L’Ange tenant un rameau qui est le fragment d’un des volets du Triptyque du Christ de Pitié.
Le thème du panneau central est la Résurrection. La scène, non relatée dans les Ecritures, précède l’épisode, rapporté par les évangélistes, de la découverte du tombeau vide du Christ par les saintes femmes. Ces dernières, au nombre de trois, conformément au récit de saint Luc, sont représentées sur un petit chemin dans le fond portant des vases d’aromates. Le soleil vient de se lever sur la Ville sainte dont on reconnaît, dans l’édifice à plan centré, le Dôme du Rocher, que l’on associait alors au temple de Jérusalem. A gauche, au second plan, les trois crucifix surmontent le Golgotha. Présenté de face, le Christ sort de son tombeau, dont le couvercle pivote sous l’action d’un ange, et fait le geste de la bénédiction. Il occupe le centre de la composition. Des quatre soldats endormis deux se réveillent et semblent pétris d’effroi. L’un d’entre eux porte un casque où se reflète le Christ.
La composition est encadrée par une arcade cintrée et ornée de motifs italianisants fréquents chez le peintre. Le volet droit représente le martyre de saint Sébastien et le volet gauche l’Ascension. On remarquera, dans ce dernier, la représentation surprenante, en raccourci, des pieds du Christ.
L’utilisation de la guirlande et des putti dans le panneau central est l’un des premiers exemples de la reprise d’un motif ornemental de la Renaissance italienne dans la peinture septentrionale. Ces éléments que le peintre utilisera fréquemment dans son œuvre se diffuseront par la suite dans l’art flamand comme, par exemple, chez Gérard David. Le peintre était par ailleurs apprécié par la communauté italienne installée à Bruges et réalisera notamment pour eux un certain nombre de portraits, dont quelques-uns sont aujourd’hui au musée des Offices.
Texte : Guillaume Kazerouni pour Le Louvre