Ce portrait peint en 1876 date de la publication de Laprès-midi dun faune de Mallarmé, un long poème illustré de gravures de Manet. L'année précédente, le peintre et l'écrivain s'étaient déjà rapprochés pour la publication d'une traduction illustrée du Corbeau d'Edgar Allan Poe.
Leur amitié remonte à 1873 et, pendant presque 10 ans, les deux hommes se rencontrent quotidiennement pour discuter peinture, littérature, nouvelle esthétique mais aussi chats et mode féminine. Comme il l'avait fait avec Zola en 1866, Manet entreprend ce portrait en remerciement pour la publication d'un article paru dans une revue anglaise. Mallarmé enseignait l'anglais au Lycée Condorcet. Dans cet article le poète avait fait l'éloge de la peinture de Manet et placé le peintre à la tête du mouvement impressionniste.
Ce dernier le fait poser dans son atelier et choisit une toile de petit format pour peindre son modèle au naturel dans une attitude décontractée. Appuyé sur des coussins, le poète dont une main est glissée dans la poche de son paletot, s'appuie sur une liasse de papier, une allusion peut-être à l'article récemment publié ou à un autre travail d'écriture. Il fume l'un de ces gros cigares qui donnent à la main un geste élégant.
La facture de la toile, brossée avec vigueur, est remarquable. Le poète apparaît à la fois ressemblant et vivant, comme saisi dans une vision instantanée. Qualifiée de "curieux tableautin" par le modèle, cette oeuvre raffinée est restée dans la famille du poète jusqu'à son acquisition par l'Etat en 1928
Commentaire : Musée d'Orsay