Blanche-Neige Lucie est une chronique de Lucie Dolène, interprète française de Blanche-Neige. Elle a donné sa voix à un personnage imaginaire, elle prend la parole pour parler de son travail et se défendre contre l’usage qui a été fait sa voix.
Huyghe questionne aisni la problématique du droit d’auteur par rapport à la pratique du doublage dans le dessin animé. Il retrace la situation paradoxale de Lucie Dolène, doublure française de Blanche-Neige, qui chante dans un studio reconstitué « Un jour mon prince viendra », et dont on rapporte à travers les sous-titres le procès qu’elle a intenté à Disney Voice Character pour faire reconnaître ses droits. L’opposition entre l’univers féerique du conte – crûment représenté en son direct à travers une femme qui accuse un certain âge – et la réalité d’une industrie qui s’approprie le travail et les voix est inscrite à travers le déroulement impersonnel des sous-titres qui rapportent les doléances de Lucie Dolène. Huyghe donne ici voix – et prête par la même occasion image – au souffleur pour signifier un phénomène d’expropriation, dès lors que le doubleur est incorporé au monde de la représentation : figure imaginaire, il rétrocède au rang de pur support ou véhicule dont l’invisibilité – et l’imperceptibilité en tant que voix pourvue d’un grain – est garante de l’absorption du spectateur dans l’univers filmique. Comme à travers un effet de contrechamp, Huyghe, en collaboration avec Philippe Parreno, achète les droits d’un personnage secondaire de manga à la société d’animation japonaise K. Works, dans une logique appropriationniste : AnnLee, « coquille vide », sera « animée » et parfois « doublée » dans divers contextes cinématographiques et plastiques entre 1999 et 2003 par différents artistes. Entre Blanche-Neige / Lucie Dolène et AnnLee, on assiste à une inversion littérale entre le produit et le processus de production, cette figure industrielle oubliée permettant de redéfinir le doublage comme un phénomène d’appropriation d’une voix – dont la circulation sera néanmoins limitée aux espaces de diffusion de l’art contemporain et du cinéma d’artistes.