Aube en Pennsylvanie

Le quai de gare désert est illuminé par la lumière rasante de l'aube. La vue est délimitée par des bâtiments d'usine et le toit du quai. Les formes statiques des structures de la gare et des bâtiments industriels sont contrebalancés par deux objets qui pourraient se mouvoir : un wagon à gauche et un chariot vide sur le quai à droite. Ceux-ci sont pour l'instant immobiles. L'étrangeté de la scène, la juxtaposition un peu menaçante d'immobilité silencieuse et l'attente d'une activité bruyante, est renforcée par ses sources de lumière contradictoires : la quai est éclairé par la droite avec ce qui semble être le soleil du matin mais, sur la gauche, le ciel sombre de la nuit s'atténue comme une aube naissante.

Depuis l'introduction du voyage en train au XIXe siècle, le chemin de fer symbolisait la modernité. Chez Hopper, il signale souvent le déracinement et l'anonymat de la vie moderne. Ici, l'absence délibérée de toute allusion au mouvement des deux véhicules, du train et du chariot à roues, crée une ambiguïté inquiétante et un début de suspense. La gare en tant que site de transit, l'aube en tant que période de transition, et la vue en plan resséré suggèrent que le train et le chariot, en partie hors du cadre, pourraient bouger brusquement.n saisissante.

Hopper a peint Dawn en Pennsylvanie quelques mois après avoir achevé son célèbre Nighthawks. Les deux tableaux montrent l'intérêt presque obsessionnel de l'artiste pour des compositions montrant des espaces partiellement clos. Les deux semblent également éloignés des événements contemporains dominés par l'entrée précipitée des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale.

Dawn en Pennsylvanie, avec son format horizontal large, ses contrastes dramatiques de la lumière et de l'ombre et le cadrage illusionniste d'une profondeur de champ délimitée par des surfaces plates évoquent une scène théâtrale et un récit dramatique prêt à commencer.

Jean-Luc Lacuve, le 1er novembre 2017.