En 1502-03, Giorgione réalise la frise de la Casa Marta, nature morte et inventaire scientifique de la Renaissance, dans lequel la Géométrie appliquée occupe une place privilégiée.
Le jeune Giorgione est pleinement conscient de cette révolution culturelle – lui qui inscrit sur le premier cartouche de la frise de Castelfranco la devise de l’Humanisme : « umbre transitus est tempus nostrum », notre époque dissipe des ombres !
La frise se déroule, tel un ruban ocre, sur une quinzaine mètres, le long des murs de la grande salle. Y sont représentés les arts libéraux (les matières abstraites: grammaire, dialectique, rhétorique, géométrie, arithmétique, astronomie et musique) ainsi que les arts mécaniques (Les matières manuelles : guerre, agriculture, peinture, sculpture et architecture).
Tous les instruments sont mis sur un pied d’égalité par le recours au camaïeu d’ocres et tous sont envisagés comme des applications de la Géométrie : équerre, règle et compas côtoient livres, sphères, violes et chevalets, si bien que littérature et mathématiques, musique et astronomie, arts plastiques et philosophie, ingénierie militaire et calcul sont unis dans une même problématique, celle de l’interprétation du monde. Voilà, sans doute, pourquoi la Frise se présente comme une sorte de bibliothèque, avec de solides étagères sur lesquelles est exposée la nouvelle organisation des savoirs, dont Giorgione est à la fois le contemporain et le bénéficiaire.