En octobre 1888, Gauguin arrive en Arles, invité par son ami Vincent van Gogh à venir vivre et travailler avec lui. Les deux artistes échangent depuis plusieurs mois une longue correspondance, se confiant mutuellement l'avancée de leurs recherches vers une vision non naturaliste du paysage.
Ce tableau aux teintes automnales flamboyantes est probablement l'une des premières toiles réalisées par Gauguin dans cette ville. Elle représente la nécropole romaine d'Arles, qui fut consacrée au IIIe siècle par Saint Trophime, le premier évêque d'Arles, à l'inhumation des chrétiens. De ce lieu ne restent au XIXe siècle que des allées de cyprès et quelques sarcophages vides, qui donnent au site un aspect profondément mélancolique.
Gauguin choisit d'exclure presque totalement le motif historique en ne faisant figurer à l'arrière plan que la tour lanterne et une partie du bâtiment de l'église romane de Saint-Honorat, construite sur le site. Nul sarcophage n'est visible, seulement des champs, des bois et un canal le long duquel marchent trois personnages : deux femmes en costume d'arlésiennes et un homme. Gauguin, qui ne trouvait pas beaucoup de charmes aux Arlésiennes, baptisa son tableau ironiquement Paysage ou Trois Grâces au Temple de Vénus lorsqu'il l'expédia à Theo Van Gogh, le frère de Vincent, son marchand de tableau.
Avec ses masses juxtaposées et sa facture hachurée, cette toile est caractéristiques du synthétisme de Gauguin. Cette touche, empruntée à Cézanne, permet de transcrire le motif sans imiter le réel. Les couleurs poussées jusqu'à saturation -les cyprès dont les feuilles sont des oriflammes orange et les troncs bleus- constituent également une interprétation subjective et décorative du paysage. Cette vue sereine des Alyscamps contraste avec les compositions contemporaines tourmentées de van Gogh réalisées sur le même motif.