Cette toile se présente comme une immense photographie-souvenir de villageois chinois, contenus et encadrés par deux responsables du parti communiste (les deux silhouettes en chemisette au premier plan à droite). Mais l’image s’en tient-elle à un simple souvenir ? Se veut-elle témoin objectif d’une réalité locale ? La photographie dont elle est issue provient d’un séjour effectué en Chine en 1974 sur l’invitation de Joris Ivens, l’un des pères du cinéma direct, un cinéma à l’écoute du réel, conscient des limites de l’exercice. A plus d’un titre cette œuvre traduit les relations de Gérard Fromanger avec le cinéma.
La moitié supérieure du tableau peinte en camaïeu de noirs et de gris projette au premier plan des personnages éclatants de couleurs, faisant de la toile un écran, un théâtre d’ombres qui s’animent. Au dos du tableau, on peut lire la phrase : « Paysans et paysans-peintres amateurs à Hu-Xian, province du Shan-Xi, Chine populaire, le jeudi 20 juin 1974, devant la porte de l’exposition de leurs œuvres, au moment où nous sortions. L’inscription en chinois sur le tableau veut dire "Servir le peuple"». Ce texte résonne comme un commentaire, un dialogue avec l’image ou voix off. Sans commentaire, cette image comme n’importe quelle image, serait une image orpheline, soumise à toutes les interprétations.
Les figurants de la toile sont des peintres anonymes. De quelle peinture s’agit-il ? Est-ce un hommage ou une critique lancée à l’industrie de la copie ? Le peintre interroge ici la notion d’auteur et le mode industriel de la reproduction.
L’artiste travaille toujours par série, parce que, dit-il, il n’y a pas assez d’un tableau pour tout dire. En Chine, à Hu-Xian fait partie de la série Le désir est partout. Titre bien symbolique pour cet homme d’enthousiasme.