Floris de Vriendt dit Frans Floris (Anvers 1516/20 ? – 1570) formé à Liège par Lambert Lombard est inscrit comme maître à la gilde d’Anvers en 1540. C’est dans cette ville qu’il fera toute sa carrière et qu’il passera l’essentiel de sa vie. Après son voyage à Rome en 1541 - l’attrait des peintres flamands et hollandais pour l’art italien a commencé à la génération antérieure à la sienne - il acquiert une réputation de peintre « romaniste » donc novateur pour l’époque et il connaît le succès puis la fortune pour ses œuvres religieuses (il fut l’un des grands peintres de la Contre Réforme catholique flamande), mythologiques ainsi que pour ses portraits. Il dirigea un atelier réputé comptant jusqu’à plus d’une centaine d’élèves. Le portrait de dame âgée, conservé au musée des Beaux-arts de Caen, ainsi que son pendant masculin, conservé au musée de Brunswick, est aujourd’hui considéré comme son chef d’œuvre.

Le tableau de Caen constitue l’une des deux parties d’une commande passée à Floris : il s’agit de la représentation de la femme dans le portrait double d’un couple. Le portrait du mari, Le fauconnier et est conservé aujourd’hui au Herzog Anton Ulrich Museum de Brunswick. Le mari et la femme ont été peints en 1558 sur bois sur des supports de dimensions similaires (105.5 X 86 pour l’homme et 108 X 85 pour la femme).

la femme aux formes massives occupe l’essentiel de l’espace sur un fond neutre de tonalité brune et quasiment monochrome, elle est assise sans que l’on distingue son siège et fait face aux spectateurs. Elle donne ainsi l’impression de trôner ce qui lui confère dignité et respectabilité.

Le costume : il est composé d’une robe noire, dont l’austérité est compensée par le moiré du tissu, et d’une pelisse doublée de fourrure. Le bonnet de linon (lin très fin) et le col en tulle tuyauté encadrent le visage et enserrent les cheveux. La richesse des matériaux est signe d’aisance et de réussite sociales.

Le corps : les chairs sont très peu montrées exception faite du visage et des mains : le bas du corps n’est pas représenté, le col et la coiffe ne laissent apparaître que l’ovale du visage. C’est la représentation d’une femme respectable et d’un certain âge : seules les jeunes filles à marier peuvent dévoiler un peu plus leur corps (avant-bras, cou, chevelure nouée). Aller plus loin dans le dévoilement du corps pour une femme (chevelure libre par exemple) c’est passer du côté du vulgaire, voire de la prostitution.

Le chien : animal domestique par excellence, il est un indice du statut de la femme avant tout maîtresse de maison. Il fait contrepoint dans la commande d’origine au faucon du mari (animal sauvage dressé) qui, lui, renvoie à la chasse et donc à une vie sociale tournée vers l’extérieur.

Le peintre s’est donc donner les moyens de montrer une femme de la bourgeoisie conforme à la norme sociale de son époque.

-Comment est rendue l’identité individuelle de la personne ?

Le visage : c’est celui d’une femme âgée de 48 ans dont les traits sont marqués (rides, cernes) et que l’on peut penser très réalistes. Surtout l’expressivité est forte : le visage est mis en valeur en étant cerclé par le blanc du bonnet et du col, par ailleurs seules taches blanches du tableau. De plus le visage est la zone la plus lumineuse du tableau ; le regard frontal et le sourire esquissé donnent une impression de détermination. On sent la présence d’une femme sereine et assurée.

Le chien : il s’agit d’un lévrier anglais à poil dur dont la présence pourrait faire diversion. En fait, la tête du chien calée contre le flanc de sa maîtresse et la main de celle-ci entourant son encolure donnent une impression d’intimité et d’affection mutuelle, impression qui est renforcée par le regard et l’attitude paisibles de l’animal.

Le peintre nous donne donc accès à une personnalité et à une certaine intimité, c’est sans doute ce qui fait de ce portrait, un portrait réussi.