Clinique Gross,
Thomas Eakins,1875
Huile sur toile, 244 x 198
Philadelphie, Jefferson Medical College
La Clinique Gross rappelle immédiatement à l'esprit La leçon d'anatomie du Dr Tulip de Rembrandt, l'un des maîtres à penser d'Eakins. Les deux peintures sont des portraits de groupe centrés autour du thème de l'enseignement médical, bien que la Clinique Gross figure uen opération sur un patient réel et non la dissection d'un cadavre. L'uvre d'Eakins n'est ni sentimentale ni anecdotique. C'est al figuration franche d'uen scène de la vie contemporaine. Elle n'est pas plaisante à regarder ; le spectateur ne peut qu'éprouver de la sympathie pour la mère du patient, assise à gauche, la tête dans les bras, les mains tordues d'angoisse. Mais cette peinture est également humaine. Gross, sûr de lui, compatissant, domine al scène ; il semble dire, de par sa présence même : la science pure et l'adresse technique n'ont de sens que lorsqu'elles sont au service de l'homme
L'honnêteté crue de cette clinique Gross choqua profondément les contemporains d'Eakins. L'uvre fut refusée pour l'exposition centennale de Philadelphie de 1876, à laquelle elle avait été primitivement destinée par son auteur, et celui-ci fut contraint de l'exposer dans le pavillon consacré à la médecine de cette même exposition. Le public, que tenait à l'écart de toute inquiétude les peintres anecdotiques et qui regardaient avec la plus grande indifférence les massacres des innocents les plus sanglants et les scènes les plus atroces de martyre écorchés, crucifiés, décapités ou brûlés vifs, puisque l'événement représenté se situait très loin dans le temps et dans l'espace, éprouvait des sensations d'horreur devant uen douleur, une souffrance humaine localisée dans la Philadelphie de l'époque. Des critiques outragés s'indignèrent de ce qu'ils appelèrent la brutalité gratuite du tableau. Peu de personnes comprirent qu'Eakins avait fait progresser la peinture américaine d'un important pas en avant et qu'il lui permettait de figurer avec une honnêteté et une liberté plus grande qu'auparavant la vie réelle du temps.