On connaît surtout Giorgio de Chirico pour son style «métaphysique», qu’il commence à développer vers 1910 et qu’il formalisera plus tard sous le nom de scuola metafisica. Contrairement au futurisme italien qui veut éradiquer le passé et met l’accent sur la vitesse, la technologie et l’industrialisation urbaine du début du xxe siècle, les tableaux métaphysiques de De Chirico sont mélancoliques et silencieux.
Dans Gare Montparnasse, aussi appelé La Mélancolie du départ, il semble que le train n’arrivera jamais, son épais panache de fumée blanche monte verticalement sans indication de mouvement et les deux minuscules passagers aux longues ombres mystérieuses semblent figés. Le tableau arrête le temps à l’heure précise indiquée par l’horloge de la gare, bien que la lumière soit trop sombre pour le jour et trop claire pour la nuit. La présence de bananes démesurées au premier plan est inexplicable ; de fait, toute la scène est baignée de mystère.
Les tableaux de De Chirico évoquent une atmosphère d’incertitude, non par l’invention de formes nouvelles mais par l’assemblage d’objets et d’architectures aux géométries altérées et faussées qui en soulignent le pouvoir évocateur et poétique. L’architecture de la gare combine des références médiévales, renaissantes et néoclassiques d’une manière caractéristique de l’art métaphysique de De Chirico. Toutefois, Gare Montparnasse reflète aussi la structure moderne et commerciale de la vraie gare (la plus proche de l’atelier du peintre durant ses années parisiennes).