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La tentation de saint Antoine

1946

The Temptation of St. Anthony
Salvador Dali, 1946
Huile sur toile, 89,5 x 119,5 cm
Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles

Ce tableau de Dalí est en rupture totale avec plus de quinze siècles de représentation du saint. Il le place dans un coin du tableau, nu, ce qui ne s’était jamais vu. D’une main, le saint s’appuie sur une pierre et de l’autre, il brandit un crucifix vers des créatures fantastiques au-dessus de lui. Cette caravane baroque avance dans un vaste désert, typique des paysages de Dalí.

Saint Antoine est un moine du IIIe siècle qui s’est enfoncé de plus en plus loin dans le désert d’Egypte pour s’isoler. Il n’a jamais succombé aux tentations envoyées par le Diable pour le détourner de sa foi. Le cortège des tentations qui assaille saint Antoine semble complètement délirant. Pourtant, il accumule des symboles connus et des éléments tirés du réel. La sexualité et l’érotisme apparaissent sous la forme du cheval cabré et des corps de femmes nus. La vanité se cache-t-elle dans cet obélisque inspiré de celui du peintre Bernin, à Rome ? Ou dans ces édifices rappelant des palais vénitiens ? Quant au dernier éléphant, tout à droite, sa tour phallique traverse les nuages vers l’Escurial, grand monastère et palais des rois d’Espagne, symbole de l’ordre spirituel et temporel.

Ce tableau, l’un des plus célèbres de Dalí, était en fait... une affiche ! Pour la première et dernière fois de sa vie, Dalí participe à un concours. Il s’agit d’imaginer une illustration pour l’affiche d’un film américain inspiré du roman de Guy de Maupassant : Bel Ami (Albert Lewin, 1947). La maison de production qui l’organise, Loew-Lewin Company, a sollicité les plus grands artistes de l’époque. Le cinéma était une passion particulière de Dalí, et il a expérimenté ce médium tout au long de sa carrière artistique. À la fin des années 1920 et dans les années 1930, il a collaboré avec le cinéaste Luis Buñuel sur des chefs-d’œuvre surréalistes tels qu’Un Chien andalou et L’Âge d’or. Il s’inspire de Cecil B. DeMille et des Marx Brothers et, lors de son séjour aux États-Unis dans les années 1940, il travaille avec les pionniers du cinéma Alfred Hitchcock et Walt Disney. S’émerveillant de la culture américaine des médias de masse, Dalí déclare dans une lettre à André Breton : « Je suis à Hollywood où j’ai pris contact avec trois surréalistes américains, Harpo Marx, [Walt] Disney et Cecil B. DeMille. Je crois les avoir enivrés comme il se doit et j’espère que les possibilités du surréalisme ici deviendront une réalité. »

Il n’est donc pas surprenant que Dalí relève le défi avec enthousiasme lorsque la société de production cinématographique David L. Loew-Albert Lewin annonce un concours invitant les artistes à soumettre une peinture sur le thème de « la tentation de saint Antoine » pour figurer dans le film de 1947. L’artiste aurait peint La Tentation de saint Antoine en quelques jours seulement, dans un atelier à côté du Colony Restaurant à New York (un lieu de rencontre populaire pour les célébrités et les élites culturelles).

L’histoire biblique a également séduit l’imagination surréaliste et, en plus de Dalí, d’autres surréalistes comme Leonora Carrington, Paul Delvaux, Max Ernst et Dorothea Tanning ont répondu à l’appel à tableaux de Loew-Lewin. La représentation de saint Antoine par Ernst a remporte le prix : vers la fin du filmle tableau apparait plein écran, une touche de couleur éclatante dans un film en noir et blanc. Mais la publicité est énorme et le tableau de Dalí entre dans la postérité.

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