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Pompiers courant à un incendie

1851

Pompiers courant à un incendie
Gustave Courbet, 1851
Huile sur toile, 388 x 580 cm
Paris, Musée du Petit palais

Les Pompiers reste l’une des œuvres monumentales les plus mystérieuses de Courbet. Après le décès de son frère, Juliette Courbet retrouva cette immense toile roulée dans l’atelier et elle en fit don à la Ville de Paris.

La scène représente un départ au feu, dans une rue de Paris, la nuit. Un ouvrier en blouse de travail, bras levé, a donné l’alerte. La pompe à feu tirée est sortie de la caserne. Les passants - une mère plébéienne, un adolescent qui trébuche, un couple de bourgeois - s’écartent pour laisser place à la manoeuvre. Les sapeurs-pompiers ont effectué pour le peintre un simulacre de départ, à la lueur des torches.

Mais l’idée du tableau se rattache aussi au voyage en Hollande qui fut pour Courbet, selon son propre aveu, une forte leçon de peinture. La Ronde de nuit (Rembrandt, 1642), vue à Amsterdam au Rijksmuseum, montre un départ de la garde municipale sous les ordres du capitaine Cocq. Comme pour L'enterrement à Ornans (Paris, musée d’Orsay), le mouvement tournant amorcé par les pompiers contrarie l’aspect longitudinal de la composition, qui groupe tous les personnages dans la moitié inférieure de la toile. Ce mouvement, amplifié par la gestuelle des bras, semble devoir se prolonger au delà de la toile, vers le visiteur qui lui fait face. Courbet a réservé la moitié supérieure du tableau au paysage urbain, dont les plans obliques rythment la composition. Dans un raccourci saisissant, Courbet évoque la rénovation urbaine qui s’amorce dans la capitale, en juxtaposant, à droite, un portail gothique, symbole de la ville médiévale, et un  réverbère à gaz, symbole de la ville lumière en construction.

L’insurrection de la caserne de Poissy où travaillait Courbet, lors du coup d’Etat du 2 décembre 1851, mit fin au projet. Le sous-lieutenant, Jean-Victor Frond, représenté dans le groupe des pompiers, avait pris parti pour les républicains. Traduit en conseil de guerre, il fut déporté en Algérie. Certains historiens, s’appuyant sur les convictions socialistes de Courbet, ont décrypté dans l’œuvre inachevée une allégorie politique rappelant les intentions sociales du Prince-président, élu au suffrage universel et auteur, en 1844, d’un essai intitulé « l’Extinction du paupérisme ». Avec sa forte présence physique, son refus de la théâtralité, son iconographie polysémique, cette oeuvre compte parmi les plus significatives du réalisme de Courbet, dont la nouveauté s’affirme dans les années 1850.