Une importance inhabituelle donnée par Cézanne à l'arrière plan distingue cette nature morte peinte autour de 1890. Nous sommes dans l'atelier du peintre et découvrons quelques uns de ses objets familiers : une palette et un encrier posés sur le bahut en haut à gauche ; une tenture, une chaise et, à droite, le pied d'une autre chaise. Sur la table, au centre de l'oeuvre, la composition de la nature morte obéit à la forme triangulaire inscrite dans le rectangle du tableau. On peut y voir des pommes, des poires, un panier et quelques pots que l'on retrouve dans beaucoup de ses natures mortes, une grande nappe blanche et un mystérieux citron.
Tout va de guingois et pourtant l'équilibre est parfait. La partie droite de la table n'est pas dans le même plan que la partie gauche, le panier menace de chuter, le pied de la chaise de droite est disproportionné, le sol accuse une vive pente, le vase paillé penche vers l'avant, alors que les deux pots regardent vers l'arrière et le citron se maintient sur un plan vertical du bout de nappe. Mais, comme chez la manièristes italiens, ces distorsions permettent d'assoir les valeurs chromatiques, valeurs qui elles-mêmes rétablissent l'équilibre de l'oeuvre. Voilà peut-être révélé le secret de la beauté du monde : c'est à travers le regard de l'homme que le désaccord devient harmonie.
Source : Musée d'Orsay