La composition de ce tableau, peint vers 1878-1879, est divisée en quatre zones nettement distinctes : la rive, qui est la partie la plus chargée, la surface lisse de l'eau, la chaîne montagneuse puis la mince bande de ciel. Toutes les lignes convergent vers un point situé en dehors du cadre, sur la gauche, où se referme le golfe. La vision tronquée du motif, arbitrairement découpé par l'espace tableau, est caractéristique de l'oeuvre de Cézanne qui affectionne ce type de composition -un triangle inséré dans un rectancle. La plupart des tableaux peints lors de ses séjours à l'Estaque, ne montrent pas l'horizon, comme ne le montrent pas non plus les oeuvres des autres provenceaux de l'époque. Ils nous rapellent l'origine de Cézanne et cette Provence d'alors, traditionnellement tournée vers la terre.
Au premier plan s'étend le village de l'Estaque et les oliviers et les pins qui le bordent. La cheminée dressée de l'usine n'exprime aucune fascination pour la modernité: Cézanne ne cessait de râler contre le progrès qui, selon lui, défigurait les paysages. La touche est caractéristique du style de Cézanne : de petits aplats rectangulaires, de couleur ocre, verte et bleue, vigoureusements posés sur la toile.
Le golfe de Marseille vu de L'Estaque est la première oeuvre de Cézanne à entrer dans les collections des musées français grâce au legs de Gustave Caillebotte en 1894. Le tableau déconcerte les visiteurs du musée du Luxembourg, musée des artistes vivants, mais fascine les peintres.