(1796-1872)
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George Catlin est né à Wilkes-Barre (Pennsylvanie) le 26 Juillet 1796, cinquième des quatorze enfants de Putnam et Polly Sutton Catlin.
Il passe son enfance sur les bords de la rivière Susquehanna, dans le comté de Broome (New-York), pêchant et chassant souvent dans les bois, aptitudes qui lui serviront plus tard dans la solitude des Grandes Plaines.
Il s’intéresse très tôt aux Indiens, écoutant avec attention les récits des colons, comme ceux de son grand-père et de son père, tous deux soldats, mais également ceux de sa mère, qui avait été capturée par des Indiens en 1778. Cherchant les traces de campements indiens abandonnés dans la vallée où il grandit, il découvre quelques verroteries et vestiges d’armes anciennes et constitue ainsi sa première collection.
Pour répondre aux attentes de son père, il part étudier le droit pendant deux ans à 6 Litchfield (Connecticut) et commence à exercer à l’âge de 23 ans avec son frère, à Lucerne County (Pennsylvanie). Mais la carrière juridique ne l’intéresse guère et il décide de vendre tous ces ouvrages de droit et ses autres biens pour partir étudier la peinture à Philadelphie, contre l’avis de sa famille et de ses amis.
Sa détermination et son aplomb lui assurent son entrée à l’Academy of Art de Pennsylvanie en 1824 et de très nombreuses commandes de portraits. Il débute comme peintre de portraits miniatures et passe par la suite à de plus grands formats. Cependant, son manque de formation lui fait commettre de nombreuses maladresses, la concurrence étant rude sur le marché de l’art, particulièrement dans le domaine du portrait.
Catlin n’est toujours pas satisfait de la vie qu’il mène. Pourtant un événement va réveiller son imagination d’enfant et changer le cours de sa vie : la rencontre fortuite de guerriers indiens, de passage à Philadelphie sur leur route vers Washington. Cette rencontre est une véritable révélation. Premières expéditions dans l’ouest En 1830 il se rend donc à Saint Louis, où il rencontre le général William Clark, superintendant aux affaires indiennes et gouverneur du territoire du Missouri. Le général William Clark a, trente ans plus tôt, participé à la légendaire expédition « Lewis-Clark » vers l’ouest avec Meriwether Lewis. Le général et le peintre deviennent amis et Clark présente à Catlin l’élite de Saint Louis, qui devient sa clientèle privilégiée. Clark lui permet de peindre les délégations indiennes qui viennent à sa rencontre et l’emmène à certaines négociations ou cérémonies auxquelles il est convié.
De Saint Louis, grâce aux conseils et aux cartes de Clark, Catlin prépare ses expéditions futures. Il participe à plusieurs expéditions, entre 1832 et 1834, dans le nord du Mississipi et dans le Missouri et entre en contact avec de nombreuses tribus : les Blackfoot, les Crow, les Cree, les Sioux, les Cherokee et les Mandans. Catlin n’emporte avec lui qu’une palette d’une douzaine de couleurs qui lui permet de jeter sur la toile les principaux traits de ses modèles. Il peint la composition générale en sépia et relève les détails des costumes et des parures en couleurs, se réservant les finitions pour son atelier. Il transporte ces premières ébauches peintes roulées dans de grands tubes métalliques, qui empêchent les tableaux de craqueler. Cette technique lui permet d’atteindre un réalisme saisissant, malgré des conditions difficiles. Ainsi le magnifique Portrait de Tuch-Ee, chef cherokee que Catlin eut pour compagnon et guide pendant plusieurs mois pour l’expédition des Comanches. Le peintre admirait ce chef à la vie légendaire et son portrait, bien que réaliste, possède la majesté des grands portraits d’histoire. Même tendance à l’héroïsation avec le portrait équestre de Ba-Da-Ah-Chon-Du (copié par Catlin à la fin des années soixante d’après une œuvre plus ancienne), pour lequel la fougue du cheval cabré répond à l’ardeur de son cavalier, dans un déploiement de plumes et de parures colorées.
Catlin n’hésite pas à participer aux chasses au bison et à observer des cérémonies sacrées ou quotidiennes. Il consigne tout ce qu’il voit en notes, aquarelles et esquisses, tout en collectant de nombreux objets indiens : tepee, tomahawk, couteaux, arcs et flèches, calumets, selles, coiffes de guerres et costumes. La Galerie indienne en Amérique et en Europe Il commence donc très tôt à réunir son « Indian Gallery », mêlant sa collection d’objets indiens à ces grands portraits et tableaux de la vie quotidienne et religieuse. Il expose sa galerie de plusieurs centaines de toiles dans plusieurs grandes villes américaines de Pittsburg (1833) à New- York (1837-1839).
En 1839 il embarque pour l’Europe avec plusieurs tonnes de matériel. Il présente sa galerie en Angleterre (1840-1844), à Londres et à Windsor, devant la reine Victoria. Il part ensuite tenter sa chance dans la capitale française en 1845. Il expose la Galerie indienne Salle Valentino, à Paris, accompagnée de danses rituelles d’une troupe d’Indiens iowas rencontrés à Londres. En effet, depuis 1841 Catlin produit des Wild West Shows, véritables tableaux vivants dans lesquels des Indiens et des acteurs blancs recréent des danses ou des cérémonies guerrières. La curiosité déplace une foule dont le romantisme a aiguisé la curiosité. Les parisiens, avides d’exotisme, semblent soudain pénétrer un monde sauvage et lointain à moindres frais : « J’ai donc parcouru les tribus indiennes sans fatigue et sans danger ; j’ai vu leurs traits, j’ai touché leurs armes, leurs pipes, leurs scalps ; j’ai assisté à leurs initiations terribles, à leurs chasses audacieuses, à leurs danses effrayantes ; je suis entré sous leurs wigwams. Tout cela mérite bien que les bons habitants de Paris qui connaissent déjà poétiquement ces contrées, grâce à Chateaubriand, à Cooper, etc., quittent le coin de leur feu et aillent s’assurer par leurs yeux de la vérité de ces belles descriptions et de ces piquants récits. » (George Sand, « Relation d’un voyage chez les Sauvages de Paris », dans Le Diable à Paris, 1846). Le succès est tel que Catlin et sa troupe d’Iowas sont reçus aux Tuileries par Louis-Philippe en avril 1845. Karl Girardet (1813- 1871), chargé de peindre les cérémonies de la cour, décrit cette confrontation étrange des deux cultures, alors que les Indiens dansent au milieu des marbres et des ors du salon de la Paix. Enthousiaste, Louis-Philippe commande à Catlin, pour son musée d’histoire de France à Versailles, une série de quinze tableaux qui sont des copies de la Galerie indienne. Il s’agit d’une des seules commandes témoignant d’un réel intérêt pour ses œuvres. Si le roi prête une attention essentiellement historique à la Galerie indienne, Eugène Delacroix est frappé par la force romantique des figures et croque des Ojibwas qui accompagnent Catlin. Baudelaire, pour ne citer que lui, salue, contre une critique artistique chagrine, la force esthétique des œuvres de ce « cornac des sauvages ». Fasciné par les portraits de Petit Loup et de Graisse du dos de buffle, il écrit : « M.Catlin a supérieurement rendu le caractère fier et libre, et l’expression noble de ces braves gens ; la construction de leur tête est parfaitement bien comprise. Par leurs belles attitudes et l’aisance de leurs mouvements, ces sauvages font comprendre la sculpture antique. Quant à la couleur, elle a quelque chose de mystérieux qui me plaît plus que je ne saurais dire. Le rouge, la couleur du sang, la couleur de la vie, abondait tellement dans ce sombre musée, que c’était une ivresse ; quant aux paysages – montagnes boisées, savanes immenses, rivières désertes – ils étaient monotonement, éternellement verts ; le rouge, cette couleur si obscure, si épaisse, plus difficile à pénétrer que les yeux d’un serpent, le vert, cette couleur calme et gaie et souriante de la nature, je les retrouve chantant leur antithèse mélodique jusque sur le visage de ces deux héros. » (Salon de 1846, second volume, 1846).
En 1852 Catlin est victime d’une spéculation financière et ne parvient pas à vendre sa Galerie indienne au Congrès. Finalement c’est un grand industriel de Philadelphie, Joseph Harrison, qui rachète la plus grande partie de la collection et éponge ainsi les dettes de Catlin (la veuve Harrison lèguera en 1879 la collection à la Smisthonian Institution, où elle est toujours conservée). Le caractère aventurier de Catlin le mène encore, pendant une vingtaine d’années, dans d’improbables périples. Il part ainsi en Amérique du Sud en 1853 pour chercher de l’or. Il retourne quelques fois en Europe mais surtout continue d’explorer les Amériques. Il voyage de la Terre de Feu au Panama, puis longe les côtes ouest de l’Amérique jusqu’à la Sibérie, avant de traverser les Montagnes Rocheuses puis d’embarquer pour le Yucatan. Il traverse également le Venezuela et remonte l’Uruguay jusqu’en Argentine. Il rapporte de ses voyages de nombreuses notes et esquisses sur d’autres peuples indigènes. Cependant, il ne retrouvera jamais, dans ces rencontres en Amérique du Sud, le rapport particulier qu’il avait entretenu avec les tribus indiennes d’Amérique du Nord. En 1870 il expose pour la dernière fois une série de toiles qu’il a copié d’après ses œuvres de jeunesses. En 1872 il tombe gravement malade et meurt le 23 décembre à Washington, âgé de soixante-seize ans. Les derniers mots qu’il prononça, devenus légendaires, furent pour le musée indien auquel il avait dédié sa vie : « What will become of my Gallery ? » (Qu’adviendra-t-il de ma galerie ?).