Autrefois donné à Velázquez, ce paysage nest que depuis 1951 attribué à Annibal Carrache. Sa remarquable facture, vive et fluide, a dabord été rapprochée de la période vénitienne de lartiste. La rigueur de lorganisation de lespace laisserait cependant penser que le peintre avait une connaissance des paysages de Raphaël et surtout de Polidoro da Caravaggio dont on sait quil étudia les fresques romaines et peut-être les dessins.
La structure même de la mise en page, comme le traitement des détails des feuilles des arbres, rapprochent ce paysage de La Fuite en Egypte de la Galleria Doria Pamphilli, exécutée à Rome juste après le voyage à Venise en 1602, et plaident pour une datation sans doute un peu antérieure. La combinaison déléments vénitiens et ferrarais pourrait en partie sexpliquer par la connaissance quAnnibal Carrache avait pu avoir des appartements dAlphonse Ier dEste à Ferrare quil aurait pu voir en compagnie de Giovanni Battista Agucchi en 1598 lorsquils allèrent étudier les Bacchanales de Titien (qui devaient être transférées dans la collection romaine du cardinal Aldobrandini).
Représentant une barque sur un plan deau au moment précis où elle sapprête à disparaître derrière un arbre, luvre semble insister sur léphémère et le fugace, procurant au spectateur lillusion dadmirer un « arrêt sur image », un moment suspendu d’une nature en perpétuel changement.
Texte : Guillaume Kientz pour l'exposition Nature et idéal, le paysage à Rome 1600-1650