Véritable hymne à la volupté, L'Indolente est un tableau qui repose sur des contrastes : le titre, déjà, est sans rapport avec la position de la jeune femme. Son corps aux muscles tendus -le pied gauche accroche littéralement la cuisse droite- dément toute idée de repos ou de paresse. De même, le geste pudique du bras sur les seins est contredit par la position des jambes largement ouvertes. La composition est parcourue d'ondes sinueuses matérialisées par des ombres sombres sur les draps, où reste imprimée la trace ondulante des corps, et par la masse croulante de la literie en désordre. Une sorte de "fumée" bleu électrique stagnant à la hauteur de la cuisse et de la cheville et la somptueuse chevelure brune répandue sur le lit accentuent la charge érotique du tableau.
Cette femme offerte au regard après l'amour est l'expression d'une intimité dévoilée, violente, passionnelle, sombre et, finalement, très "fin de siècle". On est également frappé par la modernité de la composition vue d'en haut, avec son lit monumental qui semble basculer vers le spectateur. Le corps de la femme, rongé d'ombres conserve une texture tonique et vibrante qui lui donne une présence forte et atemporelle.
Cette oeuvre est essentielle dans le parcours de Bonnard car il s'agit d'un des premiers nus peints par l'artiste, un thème absent jusque là de ses préoccupations. Elle s'inscrit dans la lignée de deux autres toiles de la même période : Nu bleu (1899-1900) et L'homme et la femme (1900).
Après avoir vu le tableau, le célèbre marchand et éditeur Ambroise Vollard demande à l'artiste d'illustrer le recueil Parallèlement de Paul Verlaine qui paraîtra en 1900.