Ce portrait est, semble-t-il, le premier exemple conservé depuis l’Antiquité d’un portrait peint indépendant. L’inscription « Jehan roi de France » est sans doute postérieure au tableau, qui représente le modèle sans couronne, apparemment avant son accession au trône (1350), à une époque où il n’était encore que duc de Normandie.
Vu la rareté des peintures de chevalet du XIVe siècle qui nous sont parvenues, ce tableau serait le plus ancien portrait indépendant peint en France. Son auteur reprend la formule élaborée sous l’Antiquité classique, particulièrement dans la numismatique, quand il campe le modèle en profil absolu, telle une médaille impériale. Le personnage a été identifié comme le roi Jean II le Bon (1319-1364), mais nous n’avons aucune certitude sur son identité réelle, l’inscription semblant postérieure à la peinture. Représenté avec la barbe, une chevelure en désordre, le sourcil broussailleux, pourvu d’un grand nez, d’une lourde paupière, d’un œil globuleux et d’une mâchoire pesante, le souverain est drapé dans une robe bleu-noir bordée de fourrure blanche. Même si l’on tient compte de l’usure du tableau et de la présence de repeints, cette effigie reflète un souci de caractérisation physique et un désir d’expressivité. Le fond d’or travaillé au poinçon, le revers décoré de faux marbre, l’autorité monumentale du profil sont manifestement d’ascendance italienne. En effet, dès les premières décennies du XIVe siècle, les peintres transalpins s’intéressent au rendu fidèle de la figure humaine. Le rôle d’Avignon, devenue au début du siècle le siège de la papauté, est déterminant : le naturalisme des fresques et des tableaux exécutés à partir de 1340 par Simone Martini et Matteo Giovannetti n’a pas manqué d’impressionner les artistes attirés de l’Europe entière par l’éclat du foyer pontifical. L’auteur de ce portrait faisait peut-être partie de la suite de Jean le Bon, venu en 1349, juste avant son accession au trône de France, rendre visite au pape.
Jean II le Bon, couronné roi de France en 1350 à la mort de son père, Philippe VI de Valois, eut un règne relativement bref, mouvementé et malheureux : Peste noire, perte de la ville de Calais, révolte d’Étienne Marcel, nombreuses jacqueries et défaites militaires. Fait prisonnier à la bataille de Poitiers en 1356, il est retenu en Angleterre. Contre rançon et la présence à Londres de son fils Louis, duc d’Anjou, il remonte sur le trône de France. À l’annonce de la fuite du duc, il repart, fidèle à la parole donnée, pour l’Angleterre (janvier 1364). La légende veut que son portrait ait été peint à la tour de Londres – où il se trouve enfermé – par Girard d’Orléans, son peintre officiel. Jean meurt à Londres en avril 1364. Sur le tableau du Louvre, il ne porte pas la couronne : est-il alors duc de Normandie et Dauphin de France ? Ou déjà prisonnier ? Son âge apparent, une trentaine d’années, semble conforter une datation antérieure à 1350, année de son accession au trône.