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Le montage est l'organisation des plans d'un film dans certaines conditions d'ordre et de durée (Marcel Martin). Le montage est "productif" : il assure la mise en présence de deux éléments filmiques, entraînant la production d'un effet spécifique, de dramatisation, de sens ou de rythme, que chacun de ces deux éléments, pris isolément ne produit pas.
L'enchainement des plans a pour but le plus simple de produire de la continuité, de l'unité. Leur raccords doivent donc nécessairement être prévus à l'avance. Ce montage-découpage ne crée pas de lecture du monde, il reste dans l'évidence. Nous en verrons ici succesivement ses tois principales règles de ce que Marcel Marin définit comme le montage narratif.
Nous consacrerons des developpements ultérieurs au moyens d'un montage expressif, c'est à dire :
- au montage
alterné lorsqu'il s'agit d'accentuer la dramaturgie
- au fondu-enchaîné, pour glisseert d'un lieu à un autre ou d'un temps à un autre.
-
lau montage parallèle lorsquil s'agit de produire un effet de sens. Ceux-ci puevent aussi intervenir avec l'effet de l'image modifiée
- au
faux raccords qui permettent de jouer avec les codes.
- aux écoles de montage telles qu'elles ont été théorisées par Gilles Deleuze
Le passage entre deux séquences s'effectue le plus souvent par un raccord "cut". Un fondu au noir, une fermeture puis une ouverture à l'iris, un fondu enchainé, peuvent séparer deux pans successifs. Mais, le plus souvent, le passage d'un lieu à un autre entre deux plans est justifié par l'histoire racontée dans le film sans que la brutalité du changement ne perturbe le spectateur. Pour ne pas perturber la continuité de la représentation, pour assurer la cohérence entre deux plans successifs afin de produire de la continuité narrative, la grammaire classique du cinéma définit des règles selon les trois sortes de raccords :
Les règles du raccord dans l'axe définissent celles à appliquer à deux plan successifs sans changement de place de la caméra vis à vis du même décor ou personnages filmés. L'echelle des plans doit alors varier : passer d'un plan d'ensemble à un plan moyen ou un plan rapproché, voir un gro splan/Un raccord dans l'axe sans changement d'échelle pourrait produire un effet de saute (effet que le cinéma moderne recherchera avec le Jump-cut)
Les raccords dans le mouvement définissent les règles à appliquer lorsque la caméra suit des personnages en déplacement et notamment lorsqu'ils doivent franchir des obstacles.
Le raccord regard définit la succession d'un plan où un personnage regarde quelque chose ou quelqu'un avec un second plan qui montre ce qu'il voit. Sont notamment ainsi régies les règles du champ contrechamps
Un raccord dans l'axe est une coupe entre deux plans d'échelle différente, filmés depuis le même axe. Dans l'intervalle entre les deux plans raccordés, un changement de focale a donc eu lieu.
Dans My darling Clementine de Ford, lors de l'arrivée à Tombstone, les trois frères Wyatt hésitent à entrer chez le barbier. Le raccord dans l'axe qui matérialise la tension se fait par un passage d'un plan moyen à un plan américain (rapproché -taille) :
Au début du film entre les plans d'ensemble (2) et (4) un raccord dans l'axe à introduit le plan général de la séquence avant de commencer l'action. Ce plan général outre sa beauté intrinsèque évite la saute dans l'axe qu'aurait provoqué le raccord direct (2) et (4).
Lorsqu'un même sujet est présent dans deux plans qui se succèdent, et que la valeur de ces plans est la même, la différence entre l'angle sous lequel le sujet est filmé dans le premier et le deuxième plan doit, en principe, être supérieure à 30°.
une variante rare au raccord dans l'axe est le raccord dans l'axe inverse : changement d'échelle de plan avec passage des personnages vus de face aux personnages vus de dos comme dans Take shelter (Mike Nichols, 2011).
sont à l'oeuvre dans des raccords dans l'axe ou des raccords dans l'axe inversés. Aprile s'ouvre sur un plan du présentateur de la télévision. Lui succède un plan plus large révélant le vrai contexte de la scène avec le cadrage de Giovanni et sa mère commentant ces résultats politique de la soirée du 28 mars 1994.
Le second exemple utilise le raccord dans l'axe inversé. Giovanni, dans son bureau demande à ses collaborateurs de filmer la campagne électorale de Berlusconi en plans fixes. Il se retrouve lui-même, seul, face à l'écran. Il se met à prononcer des mots plus extravagants les uns que les autres et qui se révèlent être - lorsqu'il est filmé au plan suivant, de derrière et dans un cadre plus large découvrant un kiosque à journaux - des titres de quotidiens ou de magazines.
A une portion d'espace du premier plan, succède une autre portion d'espace. Le même mouvement du personnage se poursuit de chaque côté de la coupure. L'exemple classique étant bien entendu le franchissement de porte.
Si le personnage sort du cadre à un point donné, au plan suivant, il doit entrer dans le cadre au point opposé. Par exemple le personnage sort du champ par la droite et au plan suivant il entre par la gauche. Quand aucun obstacle matériel ne s'interpose entre les deux plans on parle alors plus volontiers de raccord d’entrée et de sortie de champ. Variante : raccord avec champ momentanément vide entre la sortie et l'entrée.
Si les portions d'espaces raccordent sur deux personnages différents, ils doivent aller dans la même direction. On parle alors plus volontiers de raccord de direction.
a/ Raccord regard classique. Un personnage regarde quelque chose ou quelqu'un puis, au plan suivant, on voit ce qu'il regarde.
Ce procédé de montage est devenu si fréquent
et naturel qu'il peut même être utilisé pour introduire
des images d'archives dans un film de fiction. Ainsi les images d'archive
de Vienne en ruine dans Welcome in Vienna (Axel Corti, 1986)
b/Le champ contre-champ
Pour filmer deux personnages conversant face à face, la technique primitive consistait à enregistrer deux images observées selon deux axes parallèles et proches (positions 1 et 1A) perpendiculaire à la ligne joignant leurs yeux (Y-Z). Y et Z complètement séparés sont alors vus de profil et semblent échanger par les bords latéraux de l'image. Il convient alors d'écrire champ contre-champ. Contre étant entendu comme à proximité et non comme à l'opposé.
c/ Le champ contrechamp
Mais ces axes ne mettent en valeur ni les yeux ni les regards. Pour avantager ceux-ci, il suffit de prendre un angle suffisant par rapport à la ligne imaginaire (XY) pour filmer Y de trois quarts face ce qui permet en plus de placer Z en amorce (en le laissant apparaître de dos éventuellement dans une zone de flou (angle 2).
Comme il s'agit d'enregistrer deux champs opposés il semble a priori logique déplacer l'appareil à l'opposé sur le même axe, à 180° donc pour avoir Z de trois quarts face et Y en amorce (angle 2a). Pourtant la succession 2 2A est déroutante pour le spectateur : Y et Z ne semblent pas se regarder mais regarder dans la même direction. Les regards ne croisent pas et les plans raccordent mal.
En plaçant l'appareil symétriquement à 2 du même côté de la ligne imaginaire YZ (angle 2B) nous obtenons une succession d'images 2-2B qui répond à l'effet souhaité de contrechamp.
Cette règle de la ligne imaginaire à ne pas franchir est applicable à tous les raccords de direction. Dans le cas d'un contrechamp montrant deux voitures qui se poursuivent, on doit éviter de passer outre la ligne imaginaire qui sépare les deux véhicules sous peine de créer une confusion dans leur sens de déplacement.
La grammaire classique du cinéma conçoit ainsi le raccord comme un moyen de produire de la continuité narrative. Profitant, dans un plan, du regard ou un geste du personnage ou d'un mouvement de caméra, le raccord conduit en douceur au plan suivant. Ce montage ne crée pas de lecture du monde, il reste dans l'évidence. Il a pour but de faire oublier la coupe par un semblant de continuité. Ce montage que Marcel Martin qualifie de narratif est le plus transparent possible et ne produit aucun signe en direction du spectateur. Mais chacun de ces trois effets porte en germe une source de montage expressif : l'effet de liaison peut être perturbé par un faux raccord. Le cinéma moderne va trouver des effets de montage jusqu'alors considérés comme des faux raccords pour transmettre une autre réalité du monde. On distinguera les faux raccords de regard, les faux raccords de mouvement, et les faux raccords dans l'axe, nommés parfois raccords plan sur plan ou jump cut (coupe sauté)
Jean-Luc Lacuve, le 17 mars 2025.