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Eros + massacre de Kijû Yoshida

Eros +massacre chez Carlotta-Films

Editeur : Carlotta-Films, avril 2008. Nouveaux masters restaurés. Langue : japonais. Sous-titres : français. Prix public conseillé : 25 €

Suppléments sur DVD 2:

Mako, la fille de Noe Itô dernière maîtresse de l'anarchiste Sakae Osugi, est interrogée par Eiko Sokutai, 20 ans, étudiante à la faculté de design de Tokyo. Eiko est la maîtresse de Unema, réalisateur de pubs qui paye ses services érotiques. Eiko est ainsi inquiétée pour prostitution par un inspecteur de police. Mais elle est surtout amoureuse de Wada un étudiant anarchiste ami de Unema qui ne répond pas à ses avances....

Chef-d'oeuvre de Yoshida, cinéaste majeur, qui fait de le rencontre entre le présent et le passé la matière de son cinéma. Cette invention toujours renouvelée autour d'une pensée en mouvement le fait échapper au soupçon de formalisme pour en faire un cinéaste à la rage contenue mais violente pour abattre les structures usuelles du pouvoir.

Comme à son habitude, il fait preuve ici d'un grand sens du cadre en variant les effets. Il peut ainsi n'utiliser que le dixième inférieur pour montrer juste la tête du personnage et les neuf-dixièmes du dessus pour le paysage. Les cadres sont géométrisés comme chez Antonioni où le personnage ne surgit que tardivement dans un monde-cadre qui n'a pas besoin de lui. L'excès lyrique de l'esprit souffrant génére des images mentales comme chez Bergman avec un esthétisme plus net encore.

Le téléscopage des époques est favorisé par l'athmospère de rêve éveillé dans lequel baigne le film. La beauté des dialogues est souligné par un son très net alors que ceux de la nature ou des trains qui passent disparait. Puis, lorsque l'intensité de la scène diminue sur la fin, le son off revient.

La dimension politique n'est pas un simple arrière-plan mais constitue un atout du film qui cite Max Stirner : "Ne chercher pas la liberté dans l'abnégation mais cherchez-vous en vous vous-même : soyez un moi tout puissant !" ou des réflexions sur l'intellectuel qui cherche la perfection en lui-même dans l'écrit et non dans l'action : "L'éternel insoumission de l'éternel vaincu."

 

Yoshida ou l'éclatement du récit (2008, 29mn)

Pour Mathieu Capel, Yoshida fait partie avec Oshima et Shinoda à la nouvelle vague de la Shochiku comme Immamura ou d'autres dans des studios ou en indépendants. En 1965, autant de films sont produits en dehors des studios que dedans.

Eros + massacre est le premier opus d'une trilogie des idéologies dominantes du Japon traitant de l'anarchisme et l'amour libre qui sera suivi de Purgatoire eroïqua sur le communisme alors en pleine vitalité au Japon et de Coup d'Etat sur la pensée nationaliste.

Durant les années 70, le japon est en pleine ébullition politique. Prédominent les thèmes contesttaaires de la pollution, de la politique intérieure et surtout de la politique étrangère : la jeunesse proteste contre les liens de protection des Etats Unis sur le pays alors qu'il est engagé dans la guerre au Vietnam.

Sakae Osugi (1885-1923), socialiste converti au christianisme. Dans les années 10-15, en dehors de la doxa socialiste, il développe des théories anarchistes et sur amour libre... qu'il mettra en pratique avec sa femme Asuko, sa maîtresse et Noe Itô.

En 1923, un militaire, le capitaine de milice Amakasu, prend l'initiative d'assassiner le couple. Il défend là son idéal de l'état et de l'empereur. Yoshida souhaite analyser les contraintes qui ont entraîné le geste de Amakasu, les valeurs qu'il défend.

Dans Eros + massacre, il y a enchâssement de deux histoires. L'histoire cadre est celle d'une étudiante qui fait des recherches sur Osugi et rencontre un garçon plutôt nihiliste avec des flash-back sur ses fantasmes, souvenirs et rêves qui concernent une autre époque

En 1970, Ichiko, l'ancienne maîtresse toujours en vie, refuse à Yoshida le droit de diffuser ce film. Depuis 2002, il est diffusé en version longue, raccourcie toutefois de neuf minutes car la copie restante était endommagée


Jean Douchet justifie l'esthétisme apparent du film: on veut être libre et on est pris par la forme. Douchet rapproche le travail de Yoshida de celui de Godard.

Pour Yoshida, mélanger deux époques permet de ne pas fossiliser la reconstitution historique. L'histoire est toujours quelque chose en construction. A quel procédé recourir pour revivre vraiment un moment du passé sans duperie, sans reconstitution ? Passé et présent doivent être fondus; il convient de supprimer les cadres temporels.

Ccette option conduit à valoriser la présence et la force physique de l'acteur plutôt qu'un jeu réaliste notamment quand deux périodes se croisent. Il y a lumière blanche, éblouissante quand passé et présent se confondent dans une temporalité où il n'y a plus ni hier ni aujourd'hui.

L'homme peut-il vivre en dépassant les temporalités ? Il n'y a en tous les cas, nulle trace de quotidien : ni famille, ni maison, ni ville dans Eros + massacre.

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