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Coffret Jean Eustache

Editeur : Carlotta Films, avril 2024. BLU-RAY 1 : Les mauvaises fréquentations : Du côté de Robinson (1963, 0h39, restauration 4K), Le père Noël a les yeux bleus (1965/1966, 0h47, restauration 4K) ; BLU-RAY 2 : La rosière de Pessac (1968, 1h06, restauration 4K), La rosière de Pessac 79 (1979, 1h11, restauration 4K) ; BLU-RAY 3 : Numéro zéro (1971, 1h52, restauration 4K) ; BLU-RAY 4 ou 2DVD : La maman et la putain (1973, 3h39, restauration 4K) ; BLU-RAY 5 : Mes petites amoureuses (1974, 2h04, restauration 4K) ; BLU-RAY 6 : Une sale histoire (Un film en deux volets), (1977, 0h49, restauration 2K) ▪ 3 COURTS-MÉTRAGES : Le Jardin des délices de Jérôme Bosch (1979, 0h34, restauration 2K) • Offre d'emploi (1980, 0h21, restauration 2K) • Les photos d'Alix (1980, 0h20, restauration 4K). Éditions Blu-ray ou DVD : 80 €.

Suppléments : Plus de six heures d'archives télévisées et radiophoniques exclusives, sur le tournage des films, au Festival de Cannes, interviews plateau, interviews-fleuves de Jean Eustache.

La soirée : Un projet de film inachevé de Jean-Eustache. C'est le premier projet écrit en totalité par Jean Eustache, tourné en 16 mm sans son. Dans une ambiance très Nouvelle Vague, un homme interprété par Paul Vecchiali invite des amis pour leur donner lecture d’un texte sur le cinéma dont il est l’auteur et qui vient d’être publié.

 

"Les mauvaises fréquentations" 1- Plans coupés (des plans de flippers, quelques courts dialogues dans la rue), retirés pour la version remontée de 1967 qui s'appelera Du côté de Robinson. 2- Essais caméra. Entre 1962 et 1963, Daniel Cléré filme les prémices des mauvaises fréquentations à l'aide d'une caméra 16 mm Paillard, essais dans un café près du Moulin Rouge puis dans la rue. Avec Jean Eustache, il monte ces rushes dans le sous-sol de son appartement.

 

Cinéastes de notre temps, et pourtant ils tournent (ORTF, 4 août 1966, 10'). Dans le cadre de l'émission dirigée par Janine Bazin et André S.Labarthe, Jean Eustache explique que le cinéma est pour lui indissociable de la vie quotidienne. Il regrette de n'avoir pas pu faire jouer les personnages réels qui lui ont inspiré le film ; se moque de la prétention des producteurs à modifier en une seule lecture ce qu'il a mis des mois à réfléchir. Sans producteur, Godard lui a donné les chutes de pellicules non utilisées pour Masculin-Féminin. Godard auquel, il montre le film, décide d'assurer la postproduction, d'éponger les dettes du film et de régler les factures et de tirer les copies pour la distribution. Il devient le producteur du film qui sera hélas mal distribué, par un incapable. Jean Eustache ajoute que les filles qui se font prendre en photo, c'est écrit mais vérifié par le cinéma vérité ;  ce sont des passantes qui ne savent pas qu'elles sont filmées et se laissent un peu caresser; c'est dans le scénario mais vérifié par le cinéma-vérité.

 

Les écrans de la ville (INA, emission du 12 juin 1967, 13') dont 3' d'extraits de Du côté de Robinson et 3' Pour Le père Noël a les yeux bleus. Les habitudes de Narbonne telles qu'il les a ressenties quand il y habitait. Il préfère les spécialistes aux cinéastes, il aime les films fait par les spécialistes du sujet plus que par un spécialiste du cinéma. Aime Renoir surtout des années 30-40

 

Seize millions de jeunes, Godard et ses émules 7'. un mois après le premier jour de tournage, le film était mixé. 10 millions Godard paie les factures qui restaient les dettes et une copie d’exploitation et en est devenu le producteur. Cher pour un court-métrage mais pour la moitié d’un long, ven'est pas cher. Très mal distribué, échec mais remboursé par un prix à la qualité. L'ennui d'un garçon de province ? Non, une aventure qui ne peut arriver qu'à un garçon vivant dans des conditions très difficiles. Quand on n'a pas de quoi bouffer, on ne pense pas au marxisme ; on pense à bouffer. Quand on est seul avec des vêtements en loque, on a des préoccupations immédiates. Les préoccupations philosophiques, c'est un luxe de bourgeois.

 

"ODETTE ROBERT" (1980 – N&B – 54 mn) En 1971, Jean Eustache projette chez lui Numéro zéro devant huit spectateurs, dont Jean-Marie Straub et Danièle Huillet, mais n’envisage pas de montrer son film au grand public. En 1980, il accepte de diffuser à la télévision une version courte de cette œuvre, intitulée Odette Robert, dans le cadre de la série documentaire Grand-mères.

"LE DERNIER DES HOMMES, POSTFACE" (1968 – N&B – 28 mn) Discussion filmée, réalisée en 1968 par Jean Eustache pour le créneau TV du CNDP (Centre national de documentation pédagogique) « Allons au cinéma ». Les critiques André S. Labarthe, Jean Domarchi et le metteur en scène Marc’O y débattent du film de Friedrich Wilhelm Murnau, Le Dernier des hommes.

"LA PETITE MARCHANDE D’ALLUMETTES, POSTFACE" (1969 – N&B – 26 mn) Postface explicative au film de Jean Renoir, La Petite Marchande d’allumettes, réalisée en 1969 par Jean Eustache pour le créneau TV du CNDP (Centre national de documentation pédagogique) « Allons au cinéma ». Jean Renoir évoque les conditions de tournage de son film au Théâtre du Vieux-Colombier quarante ans auparavant. Il parle des cinéastes qui l’ont influencé et souligne la différence qui existe selon lui, au cinéma, entre réalisme et vérité."

Pour le cinéma ; émission du 4 décembre 1974 (9') Dans Mes petites amoureuses, le commentaire à la première personne pourrait donc croire que c'est le plus autobiographique de mes films mais c'est en réalité celui qui l'est le moins. Il ne lui arrive pas un certain nombre de choses. Il constate au cours des deux ou trois années que dure le film qu'il ne lui arrive pas les mêmes choses qu'aux autres. Alors, la fin du film c'est en quelque sorte la somme de tout ce qui n'est pas arrivé.

Le titre vient d'un poème de Rimbaud qui lui a beaucoup plus. Il y a une dizaine d'années il a pensé qu'un jour il ferait un film qui portera ce titre; il y a des petites filles c'est assez au pied de la lettre; ce n'est pas des petites amours. C'est un peu par dérision, c'est comme chez Rimbaud: il aurait pu être amoureux d'elles; elles auraient pu être amoureuses de lui. Les signes extérieurs qu'on avait pu lui reproché dans La maman et la putain, c'est à dire beaucoup de dialogue; là c'est un film très silencieux. Il y a parfois des plages de 10 minutes sans une parole. On lui a reproché aussi un langage grossier ou obscène; il n'y a qu'un mot grossier :"Merde" quand Daniel brûle son pantalon (respire par le "cul"tané). Là c'est un film extrêmement poli. Si les films avaient été tournés dans l'ordre où ils ont été écrits, l'idée qu'on se fait du cinéaste aurait été totalement changée. Ça fait neuf ans, depuis Le père Noël a les yeux bleus qu'il veut faire ce film mais il n'a pas voulu le faire sans les moyens qu'il fallait pour le faire. Il a préféré attendre plutôt que de faire un compromis.

 

une petite femme : lecture filmée d'un nouvelle de Franz Kafka, un film de Caroline Champetier (15')

 

Les après-midi de France culture, entretien dirigé par Paula Jacques, 15 janvier 1975 (36').

Dans Mes petites amoureuses, le récit est la somme de ce qui n'a pas eu lieu. La famille qu'il n'a pas eue, les études qu'il n'a pas faites, les amoureuses qu'il n'a pas eues, l'aventure qu'il n'a pas vécue. Quand le film s'achève, on peut penser que le film n'a pas eu lieu, puisque à la fin rien n'a eu lieu. Ce n'est pas moi ce petit garçon car moi j'ai fait le film, lui ne l'a pas fait. Les questions qu'il se pose, je me les suis posées et j'ai décidé d'en faire un film. Au début du film, il est dans un univers familier. Il a dû naître là; il ne s'est jamais aperçu de rien. Il est un peu plus grand que ses camarades d'école; peut-être travaille-t-il mieux. Il est à son aise; il fait un peu ce qu'il veut. Et tout d'un coup, il va pratiquement dans un autre pays et il faut apprendre une autre civilisation et d'autres mœurs. Le deuxième pays dans lequel il va, on le regarde le découvrir. Dans la première partie on voit à la fois lui et le contexte dans lequel il est. Quand il s'en va, on regarde ce  monde mais on le regarde le découvrir. Il n'a pas le choix, il est obligé d'essayer d'apprendre à vivre, c'est-à-dire d'apprendre comment se comportent les autres pour voir s'il peut ou non s'adapter à ça. Le fait qu’il le sache, ça ne change rien, ça ne fait que le rendre plus sensible à certaines choses. Dans l'inégalité des chances, les plus malchanceux ont en principe, l’avantage ou le désavantage de ne pas le savoir ou de s'en apercevoir trop tard. Dans ce film, il le sait dès le départ mais ça ne change rien. C'est pour ça que c'est beaucoup plus grave ou beaucoup plus important de le traiter de cette façon. Il a une certaine rage, il pose les jalons d'une vocation. Les essais sur une centaine d'enfants, 100% n'avaient pas envie de jouer. C’est surtout les familles qui les emmenaient mais ils n'avaient aucun enthousiasme, aucun désir de jouer. Martin était une exception. Il avait un tel désir, un tel enthousiasme que c'était déjà 80% du travail. Il avait un feu...il avait lu la moitié du scénario en m’attendant. La différence entre mon personnage et les autres, c’est comme la différence entre Martin et les autres. Il avait un tel désir de jouer, inexplicable. Il est tellement facile d'intéresser les gens en les invitant à partager les problèmes de certaines personnes. Il y a eu beaucoup d'exemple dans ce sens; par exemple Le voleur de bicyclette où on touche la corde sensible des gens en leur faisant partager aux problèmes sociaux au moraux de certains personnages mais c'est un procédé qui n'a jamais enrichi personne; ça n'apporte rien du tout de s'apitoyer sur la misère; ça me répugne assez. Alors, je montre les moments où il n'en est pas question. J'aurais pu tourner le film en choisissant des moments où il aurait beaucoup plus touché les gens; cette façon de faire ne m'intéresse pas.

Ingrid Caven vient du jeune cinéma allemand très stylisé, baroque et expressionniste, pourquoi le choix de cette actrice pour une femme du peuple ? Je n'ai pas trouvé une actrice française capable de ne pas tirer ce rôle vers quelque chose de trop catalogable. Je ne voulais pas qu'elle soit méchante qu'elle soit victime d'une situation; j'ai procédé par la négative ; il ne fallait pas qu'elle soit ni ça, ni ça. C'est pour ça que j'ai pensé à Ingrid Caven, que j'avais connue à Cannes. On n'a pas à en savoir davantage; dans des circonstances exceptionnelles la mère vient le voir. Comme elle ressemble à une actrice de cinéma, sa mère et qu'elle ne vit pas avec lui, c'est un peu un mythe mais ces rapports vont se modifier quand il va vivre avec elle. L'âge ou on passe de l'innocence à autre chose, sexuelle, sensuel. Il regarde les couples et se dit, mais ces gens ont mon âge et eux vont avec des filles et pas moi, ça le trouble. Il s'est fait en parlant autour de lui, une idée et quand il arrive à parler avec une fille, il essaie de confronter l'idée qu'il a avec ce qu'elle est, il s'aperçoit tristement qu'elle n'est pas plus que l'idée qu’il s'en faisait. Donc il ne peut pas être surpris. Les petites filles se conduisent comme il faut qu'elles se conduisent. A partir de là, elles ne sont pas libres. Il passe son temps à rêver. Les filles ressemblent trop à ce qu'on leur a dit de faire. Elles n'ont pas appris la liberté.

C'est un personnage exceptionnel, mais seul l'exceptionnel est représentatif. Le commun n'est jamais représentatif de quoi que ce soit. C'est l'exceptionnel qui est représentatif d'une époque. Comment négocier avec le monde étant ce que je suis. Ce qu’il y a d'éternel pas l'époque qui m'intéresse. Dans les films bien bourgeois, il y a toujours besoin d'un fils contestataire, ça n'est pas pour rien. On a besoin de ça pour le contestataire de service. Je montre un personnage qui n'est pas révolté, qui ne sert qu'à tranquilliser.

Il est nécessaire de ne pas expliquer ce que l'on fait. Rien n'a besoin d'explication. Les gens comprennent tout à 100%. Ce n'est pas parce qu'il n'a pas été compris que tel ou tel films a eu ou n'a pas eu du succès. Tous les films sont autobiographiques, ce qui me surprend c'est qu’on m'en parle toujours davantage pour moi qu'aux autres. Je ne comprends pas très bien pourquoi mes films. Inversement qu'aux autres, j’essaie de ne faire qu’un avec le métier que je fais alors c'est plutôt moi qui essaie de m'approcher des personnages que je mets en scène plutôt que le contraire. C’est moi qui essaie de faire corps avec eux. Je ne pense pas que le cinéaste ait une responsabilité par rapport à ce qu’il fait. Je pense que le cinéma est une chose inutile. Penser avoir une influence quelconque sur le monde ce n'est même pas une utopie, c'est complètement insensé. Si ça peut faire passer deux heures aux gens, c'est la seule utilité que ça peut avoir. J'ai commencé à faire du cinéma parce que j'en avais envie. J'ai offert mes services parce que je voulais participer au cinéma. Comme personne n'en a voulus, j'ai réagi en faisant un film tout seul, pas cher. Parce que je n'avais pas les moyens de travailler sur les films des autres, j'ai fait un film tout seul. Pas IDHEC, j'étais un cinéphile, j'allais tout le temps au cinéma, j'ai rencontré les mêmes personnes avec lesquelles on parlait de cinéma. Je suis né en province, le cinéma était une évasion, une affaire de rêverie. Les stars étaient tellement loin qu'il ne m'est pas arrivé de penser que je pourrais en faire. Et puis c'est devenu possible mais le cinéma a perdu beaucoup de magie. C'est très difficile, pour en faire, il faut le vouloir. Il faut d’abord vivre pour ça.

 

"LA MAMAN ET LA PUTAIN" : MODULE SUR LA RESTAURATION ET BANDE-ANNONCE 2022

"UNE SALE HISTOIRE" : ENTRETIENS AVEC JEAN DOUCHET ET GASPAR NOÉ

Propos théoriques. Il filme les réactions au texte. Au cinéma, l'œil écoute et l'oreille voit. Dans la fiction Douchet et la caméra regardent Lonsdale alors que dans le documentaire, il est laissé plus de place à la réaction des filles qui ne connaissent pas l'histoire.

BANDE-ANNONCE DE LA RÉTROSPECTIVE JEAN EUSTACHE

UN LIVRE DE 160 PAGES Projets de films + très nombreux entretiens + textes et analyses… le tout illustré de sublimes photos.

 

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