Le statut de la critique est plus valorisé en France que dans n'importe quel autre pays. L’expression septième art fut forgée par un critique franco-italien, Ricciotto Canudo, et le fut en France, pays qui a souvent unit les critiques et les réalisateurs. Déjà manifeste dans les années 20 avec Epstein et Delluc, le lien se renforce, à partir de la céation des Cahiers du cinéma en 1951 qui servent de tremplin pour passer à la réalisation pour Truffaut, Godard, Chabrol, Rohmer, Rivette, Moullet, Bonitzer, Assayas, Carax, Honoré, Jousse, Mia Hansen Love....
La critique cinéma a toujours eu un rôle à jouer dans la reconnaissance des réalisateurs de cinéma. Au-delà de l'influence toujours mieneure qu'elle exerce sur la carrière commerciale dun film, elle permet une reconanissance symbolqiue que s'arrache l'ensemble de la filière du cinéma : depuis les directeurs et directrices de salles jusqu'aux cinéastes eux-mêmes. Cette influence de la critique ne cesse de croitre avec larrivée dInternet, des blogs et des nombreux sites consacrés au cinéma. L'envie de la critique par chacun se manifeste ainsi à l'aune de la consultation sans cesse croissante des étoiles d'Allociné et de la multiplication des blogs.
Pour mettre en lumière le bouleversement induit par la critique de cinéma sur internet, nous reviendrons dabord sur l'histoire de la critique cinéma en France.
La critique cinéma de 1945 à 1960
La critique de cinéma telle que nous la connaissons aujourdhui dans sa pratique est née en France au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. En 1945, le pays se relève de plusieurs années doccupation et na pu accéder à lensemble de la production américaine depuis 1939, pourtant lune des plus prolifiques au monde puisquelle correspond au sommet de lâge dor hollywoodien. Les films des plus grands réalisateurs (Cukor, Hawks, Hitchock, Lubitsch, etc.) Les accords Blum-Byrnes menacent le cinéma français.
Jean-Paul Sartre instaure dans les Lettres françaises, le premiers grand débat sur le cinéma sur Citizen Kane (Orson Welles, 1944). L'écran français parait en juillet 45 en devenant une revue autonome vis à vis des Lettres françaises. Y écrivent Jean-Pierre Barrault, André Bazin, Alexandre Astruc. Il est soutenu par le parti communiste et tire à 110 000 exemplaires.... soit bien moins que Cinémonde, Cinévie, Cinévogue ou Pariscinema.
Fondé en 1946, la fédération française des ciné-clubs compte, dès la fin de cette même année, 100 000 membres dans 150 clubs. Paris en compte une vingtaine dont le studio 28, le ciné-club du parti communiste à la bourse du travail, celui des scouts de France, le ciné-club du quartier latin, le ciné-club universitaire, rue de l'entrepôt, près de la place de la Bastille, celui de la Mutualité. Jean Douchet participe au ciné-club de son lycée, animé par un prof de philo.
Le 4 janvier 1948, plus de 10 000 personnes manifestent à Paris pour la sauvegarde du cinéma français. Schumann demande, le 20 janvier, aux américains de revenir sur les accords Blum-Byrnes. Washington accepte une cinquième semaine pour le cinéma français contre les treize aux productions hollywoodiennes. La première loi d'aide au cinéma français est adoptée en septembre 48. L'état qui s'arrogeait 30 % à 50 % des recettes de cinéma reversera désormais à la production une partie de l'argent versé sur chaque billet. Le 26 octobre 48, une salle de 60 places et un musée du cinéma, le premier du monde, celui de Langlois, sont inaugurés sur trois étages au 7 avenue de Messine dans le 8e. C'est l'ancien siège de la direction du cinéma durant l'occupation. Langlois a installé la cinémathèque française et son musée d'autorité. L'imposante Mery Merson et la non moins rébarbative Slava accueillent les cinéphiles qui s'y précipitent en nombre. Juliette Greco participe aux discussions qui se poursuivent au bar vert puis dans la rue, au grand dam du voisinage, jusque tard dans la nuit.
Henri Langlois
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Juliette Greco
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Truffaut fonde le "Cercle cinémane" qui ne tiendra jamais sa première séance où Cocteau devait venir présenter Le sang d'un poète. Bazin préside l'organisation Travail et culture, émanation du parti communiste et dirige son réseau de ciné-clubs, les jeunesses cinématographiques. Fin 48, il crée Objectif 49 dont les présidents sont Cocteau, Leenhardt et Bresson. C'est un ciné-club d'un type nouveau, tourné vers l'avenir et non le passé. Sont présentés de nombreux films contemporains qui n'ont pas eu le succès qu'ils méritent. Ces séances qui bénéficient de la personnalité de Cocteau se tiennent au Studio de l'Etoile sur Les Champs-Elysées. Elles trouvent leur prolongement du 28 juillet au 5 aout 1949 dans le premier festival du film maudit de Biarritz. Douchet y rencontre Rohmer et revient avec Truffaut dans la voiture de Bazin.
Naissance de Raccords, la revue de Gilles Jacob et Michel Flacon alors en khâgne. Elle défend l'esthétique, est non conformiste, non politisée. En 1949 paraissent dans Raccords, les premiers articles de Truffaut. La revue du cinéma est fondée par Jacques Doniol-Valcroze qui lorsqu'elle cesse de paraitre est l'un des fondateurs des Cahiers du cinéma. Les Cahiers visent à concurrencer L'écran français, trop politisé, qui exècre le cinéma américain et porte aux nues le moindre film soviétique. La couverture jaune rappelle celle de La revue du cinéma. Le premier numéro paraît le 1er avril 51 avec une photo de Sunset boulevard. Au Ciné-club du quartier latin, Maurice Schérer (Eric Rohmer) mène les débats. Le Minotaure est alors la seule libraire de cinéma de Paris. Elle est dirigée par Roger Cornaille.
A Lyon, Bernard Chardère fonde L'Age du cinéma en 1951 qui deviendra Positif en 1952. Le titre est choisi dans l'optique de dire du bien des films et de défendre le côté positif de l'humanisme. Aux Cahiers du cinéma, Truffaut et les jeunes turcs prennent le pouvoir avec le numéro sur Hitchcock d'août 1954.
Pierre Philippe anime un ciné-club où se croisent Jean Mitry et "Truffette et Riveau" comme Adou Kyrou surnomme Truffaut et Rivette. Les discussions bénéficient de la flamme de Boullet et de l'érudition d'Henri Martin. Le label art et essai est lancé pour un cinéma de qualité et des films étrangers en VO.
Les projections de films dans les cafés ne sont pas toujours compris par les spectateurs. Un projectionniste se souvient de réactions après La bête humaine : "On a rin compris, on a vu que des trains." La fédération française des ciné-clubs compte des milliers d'adhérents regroupés dans 1 500 clubs. Elle édite la revue Cinéma54. Dirigée par Pierre Billard, la revue Cinéma54 adopte dès son numéro 3 la mention "Le guide du spectateur. Yves Boisset y écrit souvent rejoint par Bertrand Tavernier, Gilles Jacob, François Truffaut. "Chez nous, on n'était pas combatif car nous incarnions une collectivité dont nous étions les enseignants... Nous ne nous sentions pas les détenteurs d'une vérité absolue qu'on imposait aux autres" déclare Pierre Billard.
Le 30 avril 1955, c'est la fin de la cinémathèque au 7 avenue de Messine car l'immeuble est vendu. La nouvelle cinémathèque, avec sa salle de 260 places, prend ses quartiers au 29 avenue d'Ulm (5e) le 1er décembre 1955.
La querelle Cahiers-Positif s'incarne dans la défense de cinéastes différents : Fuller, violemment anticommuniste, contre Brooks, Hitchcock contre Huston... Pour Wilson, c'est plutôt Oxford et Cambridge. Les Cahiers font connaître le cinéma américain en France mais aussi aux Etats-Unis où tous, y compris les réalisateurs, se considéraient comme des artisans.
Jean Douchet et Jean-Louis Cheray durant un débat
du mardi au Ciné-club du studio Parnasse
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Au Ciné-club au studio Parnasse de Jean-Louis Cheray se retrouvent les jeunes turcs de la critique pour les sorties du mercredi et, surtout, le débat du mardi. Ainsi Jean Douchet " Tout le monde a peur d'être sincère avec lui-même et d'être sincère avec sa sensibilité. Est-ce que le public a ressenti les élans physiques des personnes les uns avec les autres ?". L'esprit ciné-club essaime jusqu'au salon que tient Chabrol à la Fox. Cinémonde, Cinérevue mettent les stars sur leurs couvertures. C'est l'âge des affiches, photos et bandes annonces, des cinémas de quartier où l'on fume et l'on vient parfois en chaussons et avec son chien.
Naissance de Présence du cinéma en juin 1959. En aout 1959, Michel Mourlet propose "Sur un art ignoré", un article que laisse paraitre Rohmer. Les Macmahoniens défendent Joseph Losey, Fritz Lang Otto Preminger et Vittorio Cottafavi qui est remplacé par Raoul Walsh pour former le carré d'as de cette tendance. Tous ont bien du mal à définir ce qu'est la mise en scène. Elle réside dans le cadre, l'objectif, la distance à laquelle on met les acteurs. Pour Joseph Losey elle est un regard. L'article "Apologie de la violence" consacre l'importance de l'acteur au cinéma, "Charlton Heston est un axiome" écrit Mourlet pour qui la plastique de l'acteur doit mordre la pellicule. Ricardo Freda est défendu par Simon Misrai, Jacques Lourcelles et Daniel Palace, les Néomacmahonien. Dans une société corsetée, les films fantastiques, ceux de la Hammer en premier lieu, sont un espace de liberté. Hélas pour les jeunes, ils sont interdits aux moins de seize ans. Jean Boullet est un grand défenseur du cinéma fantastique.
une cinéphilie en sursis : 1960-1993
Yves Martin et Bertrand Tavernier fondent le ciné-club Nickel Odeon en novembre 60. Au début des années 80 naissent le VHS et les vidéoclubs. . L'inauguration des multiplexes en 1993 ne doit pas faire oublier la reconquête du cinéma dans les campagnes enterpris avec l'aide du CNC. La cinéphilie de salon puis de téléchargement se substitue à une cinéphilie en salle.
Le modèle économique est alors calqué sur les autres modèles économiques des quotidiens, hebdomadaires ou autres mensuels : le prix de vente permet de couvrir les frais de tirage et de rémunérer les auteurs, la place accordée aux annonceurs étant encore particulièrement restreinte. À son opposé, la revue Positif est créée en 1952 sous limpulsion de Bernard Chardère. Le modèle économique est sensiblement différent de celui des Cahiers du Cinéma puisque la rédaction, composée essentiellement duniversitaires et de théoriciens du cinéma, non de cinéastes en devenir, est exclusivement bénévole.
En 1976 est créé Première tandis quen 1987, Studio Magazine voit le jour, et dix ans plus tard, en 1997, cest au tour de Ciné Live. Ces derniers titres, davantage tournés vers le grand public, séduisent un lectorat assez massif et bénéficient de tirages conséquents, de 100 000 à 200 000 jusquau milieu des années 2000. Parallèlement à ces titres, dautres magazines sont crées : plus confidentiels, parfois éloignés de lactualité des sorties, Traffic en est lun des exemples les plus connus. Créé par Serge Daney en 1992 peu avant sa disparition et animé essentiellement par des ateliers universitaires, Traffic affiche volontairement une certaine forme daustérité au niveau de sa mise en page. A ses côtés, on retrouve également le titre Vertigo mais qui se distingue avant tout comme trimestriel.
1993 : Multiplexes et Allociné : l'entrée de lInternet et des nouveaux modèles de vision du cinéma
Cest en 1993 que sera créé Allociné, dabord en tant que simple service audiotel de renseignements de séances. Progressivement, la marque va investir Internet en proposant des renseignements similaires. En quelques années, le site va devenir le site de référence en France en matière de renseignements sur lindustrie cinématographique en se calquant plus ou moins sur son homologue américain, IMDB. Pourtant, le modèle coopératif nest pas opérationnel dès le départ et Allociné est essentiellement un site de relais dinformations. A partir de 1998, la marque commence à proposer des revues de presse sur les films. Sous cette impulsion, les premiers sites consacrés au cinéma et proposant des articles de fond voient le jour : Chronicart, DVDrama, Fluctuat.net, Objectif Cinéma ou Critikat.com. En opposition aux traditionnels journaux papiers, animés par quelques dizaines de cinéphiles, ces nouveaux espaces de réflexion offrent une véritable respiration pour bon nombre de jeunes critiques. Lexercice de critique de cinéma y perd parfois son statut de métier pour redevenir ce qui avait fait son fondement, une passion pour le cinéma et la cinéphilie essentiellement basée sur le participatif et le bénévolat. Les sites Internet ne peuvent engranger des reveneus publicitaires suffsiants pour pouvoir proposer un salaire à leurs rédacteurs. Les annonceurs sont rares, la publicité sur Internet encore marginale et peu rémunératrice. Elles permettent de couvrir les coûts dhébergement, dachat de nom de domaine, de bases de données : leur montant reste à la portée de nimporte quelle rédaction montée en association. Les subventions ne sont probablement pas souhaitables mais els pouvoirs publicis se montrent particulièrement frileu quant à l'attribution d'uen norme de qualité qui pourart encourager le maintient de ses sites de passionéns bénévoles. La pérénisation de siganture capable de survivre à l'effondrement de sites étant paticulierment domageable. Pour un Serge Daney La seule clé de voute de ces nouveaux modèles économique reste avant tout lengagement bénévole de ses participants qui, pour la plupart, ne signent pas le moindre contrat de droit dauteur avec les espaces qui publient leurs écrits. Une nouvelle ère commence alors : les figures de proue de la critique disparaissent progressivement et personne ne prend véritablement la relève dun Serge Daney (toujours érigé comme modèle, près de vingt ans après sa disparition). Tout au plus, quelques noms (Michel Ciment, Jean-Michel Frodon, Serge Kaganski, Jean-Marc Lalanne) parviennent à exister au-delà du support dans lequel ils publient.
Pour les anciennes rédactions, essentiellement papier, le bilan savère terrible, dautant plus que face à ces sites émergents, elles ne sont pas en mesure de proposer de nouveaux contenus éditoriaux tels que la vidéo et ont donc développé leurs propres sites Internet reprenant en partie les informations du format papier. Les tirages sécroulent, les formats sont constamment repensés à la recherche dun lectorat qui séparpille sur Internet. Studio Cinéma a fini par racheter Ciné Live tandis que le journal Première a plusieurs fois connu le sursis. Les Cahiers du Cinéma ont été rachetés puis revendus, en quête de nouveaux modèles et dune aura qui sest progressivement disloquée. Le journal bénéficie aujourdhui dun tirage plutôt limité, soit un peu plus de 20 000 exemplaires par mois. À leurs côtés, dautres titres résistent plus ou moins bien mais échappent à la banqueroute pour avoir adopté très tôt des modèles coopératifs essentiellement basés sur le volontariat, un peu à la manière de ce que propose aujourdhui Internet. Les titres en question, Positif, Traffic ou encore Vertigo nont donc à supporter que les frais de tirage (par pour autant négligeables) mais peuvent conserver le luxe de garder leur parfaite cohérence éditoriale. En contrepartie, pour les sites Internet émergeant et se posant en concurrents directs de leurs aînés sur le papier, la situation nest pas pour autant plus simple : si la pression de la fréquentation nest pas la même, le modèle économique nétant pas basé sur les mêmes impératifs, il revient à chacun de ces sites Internet dobtenir une identité claire et davoir un positionnement éditorial qui les distingue des autres sites. Cest en autre pour cette raison quAllociné, paradoxalement, se garde de trop ouvrir sa revue de presse à un nombre plus conséquent de sites, leur préférant des titres de presse écrites plus anciens mais pourvus dune légitimité aux yeux du grand public, ou alors de sites Internet suffisamment anciens pour avoir assis leur popularité. Leffet est donc pernicieux puisquun site comme Allociné, référence en la matière en France, se pose des limites dans le relais de linformation en ligne. Son principal concurrent, Commeaucinéma, a tout simplement choisi de produire son propre contenu éditorial et de ne composer sa revue de presse que de titres issus de la presse papier, écartant ainsi toute critique émanant dInternet.
Du blog au participatif
Mais ce qui a vraisemblablement le plus révolutionné le rapport à la critique, cest la contribution du particulier sur Internet. Parallèlement aux quelques rédactions que nous avons énumérées et qui se construites dans un premier temps sur le modèle de leurs aînés en format papier, un nombre considérable de blogs et de mini-sites ont vu le jour et ce, par millions. Si la majeure partie dentre eux relevaient plus de pages personnelles ou de mini-journaux, une partie non-négligeable fut consacrée au septième art, proposant des écrits, des billets dhumeur ou des articles de fond tels quon pourrait les trouver dans dautres supports de publication. La décennie des années 2000 devient celle où chacun peut y aller de son avis, loffrant à un lectorat forcément aléatoire. La question économique est alors totalement écartée, seul le plaisir de communiquer une opinion motive lacte décriture, avec lespoir pour certains de se distinguer dune masse désorganisée. Si les blogs réservés à la critique cinéma ont pu perdre du terrain face à lémergence de nouveaux médias, le collaboratif sest néanmoins imposé dans lesprit de tous les internautes qui estiment avoir le droit de pouvoir écrire quelque part leur opinion sur une uvre. Très tôt, un site comme Allociné a permis aux utilisateurs de laisser leurs propres critiques sur les films. Ces avis, allant de la simple phrase au texte parfois très développé, constitue une source dinformations passionnante sur la réceptivité dun film auprès du public. Par exemple, pour un film à laffluence record comme Bienvenue chez les Chtis, on note que plus de 16 500 personnes ont pris le temps de noter et de laisser un texte sur celui-ci. Il est difficile dimaginer lécho que peut trouver chacun de ces textes écrits par des anonymes. Mais au bout du compte, cest cette notion dinfini qui amène à mesurer limpact médiatique dune uvre. Allociné finit alors par proposer une moyenne des notes laissées par les nombreux votants (2,8/4 pour le film en question), parfois assez peu représentative de la disparité des opinions. Ainsi, tout le monde peut désormais simproviser critique, y aller de son billet dhumeur concernant un film. Cet effet de mode, encore difficile à analyser dans la mesure où nous disposons encore de très peu de recul, a pourtant été reconnu plus dune fois comme susceptible dinfluencer la carrière dun film en salles, de manière encore plus rapide que le traditionnel bouche-à-oreille qui avait permis de sacrer des uvres confidentielles (Marius & Jeannette de Robert Guédiguian en 1997) ou alors de saborder la carrière commerciale de films pourtant promis à un gros succès (La Plage de Danny Boyle, 2000). Récemment, le dernier film de Larry Charles, Brüno, avec le très bankable Sacha Baron Coen, a écopé dun buzz extrêmement négatif sur le site communautaire Twitter. En effet, après un démarrage plus quencourageant aux États-Unis (plus de 30 millions de dollars au box-office lors du premier week-end dexploitation), le film sest écroulé de 73% en terme de fréquentation la seconde semaine, reléguant le film à la quatrième place du box-office. De tels revers navaient jamais été observés auparavant et témoignent de la performance des nouveaux outils de communication en matière de critique cinéma. Même sur Facebook, les internautes participent ou non au buzz dun film dans la diffusion de bandes-annonces, de liens vidéo, de parodies ou tout simplement en donnant leur avis après la projection dun film.
Par conséquent, pour toutes les rédactions qui se sont créées sur Internet, sest posée très rapidement la question de la création de forums de discussions pour les internautes. Car si lapparition de nouveaux espaces dédiés à la critique cinéma a répondu à une nouvelle impulsion de décloisonnement de ce milieu, larrivée du Web 2.0 et de toutes ses possibilités de partage de contenu a considérablement amplifié les attentes des internautes en termes dinteractivité. Ainsi, les sites comme Allociné ont très vite créé leurs forums. Ont suivi dans leur sillon la majeure partie des autres publications, certaines ne se bornant quà la possibilité de laisser un avis par rapport à la critique postée, la publication de cet avis restant à la totale discrétion du modérateur (Chronicart par exemple). Pour dautres sites, la création de forums de discussion a considérablement modifié le potentiel économique. Sur DVDclassik, la fréquentation du site a doublé grâce à la création dun forum mais il est difficile de savoir si cette hausse de fréquentation a une répercussion immédiate sur la visibilité des articles proposés par le site. Sur le même modèle, Fluctuat.net, site généraliste consacré à lactualité culturelle avec tout un pan dédié au cinéma et à la critique, a même développé un forum où les topics ne sont pas nécessairement en rapport avec lactualité cinématographique mais a plutôt privilégié les espaces déchange sur la santé et la sexualité, actuellement les plus populaires sur Internet. Lapport considérable de nouveaux internautes a gonflé laudience du site (aujourdhui consulté par 1,3 millions de visiteurs uniques par mois) et lui a valu dêtre racheté par le groupe Medcost (détenteur du forum Doctissimo) qui a fait progressivement dévié le site de son positionnement éditorial original. Parallèlement à ces sites, dautres persistent à défendre un modèle économique qui conjugue à la fois un certain professionnalisme (organisation éditoriale, mises à jour régulières, hiérarchisation de léquipe) et qui continuent pourtant de se nourrir dun engagement bénévole qui soustrait ces rédactions aux contraintes économiques habituelles. Reste à déterminer linfluence véritable de ces îlots défendant malgré tout une idée de la critique cinéma héritée de laprès-guerre au milieu du trop-plein que propose aujourdhui Internet.
Ouvertures et perspectives
Pour les producteurs et les distributeurs, la critique cinéma est depuis longtemps identifiée comme partenaire incontournable lors de la sortie dun film, preuve en est les courtes citations toujours reprises (lorsquelles sont très positives et utilisent des formulations simplistes) sur les publicités pour un film. Si, suite à la désorganisation qui anima le marché français à la Libération, les projections presse se sont généralisées à partir des années 1960 afin de permettre aux critiques de découvrir les films en avant-première et de pouvoir faire leur travail en amont des sorties nationales des films. La reconnaissance des nouveaux modes dexpression pour la critique cinéma pose aujourdhui de nombreux problèmes pour les attachés presse : sur quels critères distinguer par exemple le blog du site internet sérieux ? Quelle est la légitimité dun individu pour pouvoir assister en avant-première à un film lorsque son activité de critique ne représente en aucun cas une source de revenus ? Par ailleurs, comment sopposer à ces nouvelles formes décriture et la constitution de nouveaux espaces de dialogue sur le cinéma quand Internet ne pose plus les mêmes contraintes de publication que pour la presse papier ? Pour les professionnels, se pose donc vraiment la nécessité dune veille sur lémergence permanente de nouveaux médias.
Paradoxalement, ce nouvel auditoire peut se révéler porteur de promesses pour des distributeurs beaucoup plus fragiles, défendant des films moins acquis au grand public. Alors que labsence de visibilité dun film dans la presse du mercredi matin pouvait tomber comme un couperet sur la carrière commerciale dun film, le champ des possibles est aujourdhui nettement plus conséquent et permet à chacun de construire de nouveaux ponts entre lécrit et la vidéo (par le biais de liens, de partenariats de toutes sortes).